A sa mesure, modeste mais sincère, Narbarion incarne cette magie du black metal, obscure et glaciale, qui n'est pas étrangère à la fascination ressentie pour ce genre définitivement unique et qui bien souvent ne s'explique pas, se vît, se ressent. La forme comme le fond signent un art où les valeurs et les atmosphères se révèlent au moins aussi importantes que la musique en tant que telle. Visuel en noir et blanc, âme solitaire prenant la pause dans une posture contrite (pour la forme) et sonorités aussi minimalistes que volontairement répétitives et dont la lenteur confine à une transe hypnotique (le fond) suffisent à envoûter, à évoquer tout un univers cryptique et funèbre, esseulé et douloureux. Narbarion est donc un peu tout cela. Fruit d'une seule créature (Morkhor), le projet avait disparu depuis presque dix ans, après une démo séminale (Les ailes noires) et un split écrit à plusieurs mains (The Lost Empire), avalé par les limbes dont nous pensions qu'il ne s'échapperait sans doute pas. La (bonne) surprise n'en est que plus grande au moment de déflorer Des larmes de bois, souffle de vie (ou de mort ?) exhalé de nulle part. En cinq plaintes qui étalent leur désolation forestière sur près de vingt minutes, l'homme matérialise ce black metal séculaire comme venu du fond des âges, qui infuse dans les arcanes d'une froide nuit hivernale, seul refuge possible d'une expression aussi décharnée qui invite à la solitude, au voyage intérieur, fermé du monde et des autres qui de toute façon ne peuvent saisir la noblesse de cet art noir dont la sécheresse de l'écorce - presque une épure - abrite pourtant un humus d'émotions.
Egrenant une poésie brumeuse et gelée, 'Dans mes refuges' ou 'L'âme spectrale' nous évoquent la beauté lugubre du true black le plus pur, le plus authentique, dépressif et obsédant, celui qui stagnent dans les profondeurs sinistres d'un bois figé par le froid. Transi, le tempo est lent, presque immobile, taillant dans la terre les sentes d'une tristesse recluse qui n'est pas sans rappeler les travaux de Forest. Qu'elle ait été gravée dans l'isolement d'une forêt avec un matériel rudimentaire commande à cette obole son ambiance à la fois funeste et taciturne propice à une forme de retraite mélancolique. Non pas subie, la solitude y apparait comme un sanctuaire. D'aucuns jugeront peut-être - et à tort - Des larmes de bois répétitif en cela qu'il semble ruminer les mêmes accords d'un titre à l'autre mais c'est pourtant dans cette dimension presque rituelle que l'œuvre fascine, errements macabres dans les ténèbres rurales que percent les croassements de freux inquiétants, passeurs entre deux mondes, sentinelles morbides qui scrutent et surveillent. Des larmes de bois scelle avec réussite et de belles promesses à venir la résurrection de Narbarion, artisan d'un black metal ascétique et désolé dont on espère qu'il continuera dans sa funèbre et glaciale lancée... (22.07.2022 | LHN) ⍖⍖
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