17 mai 2023

KröniK | Watain - The Agony & Ecstasy Of Watain (2022)




S'il trimbale tout l'attirail blasphématoire propre au black metal le plus radical et dérangeant, entre corpsepaint, combustible satanique ou animaux morts lancés dans le public durant des concerts aux allures de rituels diaboliques, le fait est que Watain a pourtant toujours été un groupe à prendre au sérieux, véhicule de musiciens aussi doués que sincères. Bien sûr, les Suédois se sont assagis depuis une bonne dizaine d'années - dans la forme plus que dans le fond -, au grand dam d'une poignée d'ayatollahs restés bloqués sur leurs premiers méfaits. Mais la nocivité vicieuse de cet art noir d'une brutalité fiévreuse et acérée ne s'est toutefois diluée ni dans une exposition accrue ni dans une agilité technique renforcée. Nombreux sont ceux que Trident Wolf Eclipse (2018) a néanmoins déçu. A tort car ce sixième album trouvait le juste milieu ente fureur morbide et ambiances mortifères. The Agony And Ecstasy Of Watain fera-t-il davantage l'unanimité ? Son titre ne doit déjà pas vous tromper, il s'agit bien de la nouvelle offrande du groupe et non pas d'une compilation ou d'un produit du même genre. Mais il n'en traduit pas moins toute l'ambivalence d'un black metal écartelé entre agressivité ténébreuse et sinistre majesté. 

En cela, il n'est pas du tout certain que ce septième opus suscite davantage l'adhésion des fans de la première heure et des éternels grincheux que son prédécesseur. Imprimant un rythme d'une vélocité soutenue, il gronde pourtant d'une âpreté sans concession. Amorce démentielle de violence, 'Ecstasies In Night Infinite' puis 'The Howling' moissonnent d'entrée de jeu les cadavres, ne laissant aucune place à la mélodie ou à la lumière. Plus loin dans l'écoute, il en va de même de 'Leper's Grace' ou de 'Funeral Winter' qu'emportent blasts torrentiels et vocalises possédées. De leurs entrailles suintent cependant toujours ce fiel sournois et macabre qui tout du long poisse cet album en vérité plus nuancé qu'il n'y paraît de prime abord. Le fait qu'il ait été capturé dans des conditions live à l'intérieur d'une église lui dicte à la fois son authenticité et sa profondeur tellurique. Ainsi, les Suédois n'ont pas mis en jachère leur goût pour les atmosphères lugubres comme l'illustre 'We Remain', lent sabbat que drape le chant incantatoire de Farida Lemouchi (The Devil's Blood). Et même quand Erik Danielsson et ses sbires maintiennent un étau brutal, ce suint maladif corrode tout l'espace, témoins le crépusculaire 'Serimosa' qui fouille la nuit et les démons qui l'habitent, ou plus encore 'Before The Cataclysm', préparé par l'instrumental mortuaire 'Not Sun Nor Man Nor God' et dont la dureté se conjugue à une beauté rampante. Eternel saigneur de ce black metal suédois aussi cruel que vicieux, Watain accouche d'un album d'une force noire foisonnante, puisant dans la rapidité comme dans la lancinance d'atmosphères funèbres matière à cultiver sa négativité. (19.06.2022 | MW) ⍖⍖⍖

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