12 mai 2023

KröniK | Aktopasa - Journey To The Pink Planet (2022)




Au risque de se répéter, on ne dira jamais assez tout le bien qu'il faut penser de l'Italie. Pour son cinéma bis ô combien jubilatoire. Pour ses Fumetti (bandes dessinées petit format), populaires et coquins. Pour ses bûcherons aussi, puisque c'est d'eux dont il s'agit dans cette chronique. De Black Rainbows à Ufomammut, la péninsule regorge de groupes au son velu qui baguenaudent souvent à la lisière du progressif. D'où la perméabilité entre le doom et le stoner d'un côté et les musiques psychédéliques et évolutives de l'autre, comme par exemple l'illustrent Goblin ou Antonius Rex. A sa mesure encore modeste (il n'a que deux EPs et un album à son actif), Aktopasa participe de ce syncrétisme sonore où la délicatesse d'une guitare fragile se conjugue à un socle rythmique robuste (cette basse gourmande) sur fond d'orgasmiques montées en puissance. Journey To The Pink Planet est donc le premier véritable opus longue durée de ce trio vénitien. En l'espace de sept pistes, il y déploie avec une belle liberté de touche une partition affranchie des frontières tant géographiques et musicales. Géographiques car ses compositions épiques étalent une carte accidentée qui l'entraîne des routes caillouteuses américaines ('Calima') au désert du Moyen-Orient (le cosmique 'Sirdarja'). Musicales parce qu'il fusionne l'élégance stratosphérique rock psychédélique ('Foreign Lane') à la force grondante du post-rock ('Lunar Eclipse') en un alliage salvateur pigmenté d'une touche de hard rock ('It's Not A Reason'). Le meilleur des mondes donc. 

De là l'impression, comme son titre l'annonce, que "Journey To The Pink Planet" a quelque chose d'un voyage auquel participe son caractère entièrement instrumental (ou presque) qui tend à gommer les limites et ce faisant, à s'ouvrir sur de vastes étendues.  Entre Pink Floyd, My Sleeping Karma et Toundra, Aktopasa esquisse déjà un univers épris de liberté aussi attachant que chaleureux. Avec une soyeuse fluidité, les Italiens brodent une trame parfois appuyée, le plus souvent pointilliste. Comme une brise légère qui caresse le visage. Les titres sont longs, entre sept et dix minutes en moyenne et l'absence de chant pourrait les rendre ennuyeux. Mais il n'en est rien tant les trois musiciens s'y entendent pour maintenir tout du long les sens en éveil, déjà maîtres de l'érection émotionnelle, de la progression cataclysmique, à l'instar de ce 'Agarthi' superbe (comme le reste du disque d'ailleurs) qui résume par sa lente élévation doucereuse la signature de ses auteurs, chantres d'un post rock psyché mystique et sinueux au mélange parfaitement dosé. Sa défloration s'écoule comme une paisible rivière dont le courant est à peine heurté par quelques rochers. Premier album passionnant, Journey To The Pink Planet dévoile en Aktopasa un jeune pousse pour le moins prometteur dans son exploration de territoires heavy et cosmiques. (24.12.2022) ⍖⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire