Le couple Robert Taylor et Deborah Kerr, séduisant et magnétique, Peter Ustinov en Néron cabotin et mégalomane, Leo Genn en Pétrone auquel Jacques Dacqmine prête en français sa voix mélancolique l'incendie de Rome et les combats dans l'arène... Quo Vadis habite l'inconscient des cinéphiles pour qui la Rome antique se confondra toujours avec ces fastueux et grandioses décors, Pierre aura toujours la bouille de Finlay Curie et le successeur de l'empereur Claude, le faciès joufflu de Peter Ustinov dont l'interprétation se calque toutefois sur celle de Charles Laughton dans Le signe de la croix (1932) de Cecil B. DeMille. Et tant pis si Quo Vadis multiplient les erreurs historiques et les anachronismes. Néron n'a pas volontairement mis le feu à Rome pour assouvir sa folie et bâtir une ville plus moderne, n'a pas étranglé Poppée et n'a pas été assassiné par une esclave. Troisième adaptation du roman fameux de Henryk Sienkiewicz dont le projet est entamé dès les années 30, Quo Vadis est une vaste fresque historique témoin du gigantisme hollywoodien qui embauche les meilleurs professionnels de l'époque (Robert Surtees à la photographie, Miklos Rosza à la musique, Anthony Mann comme réalisateur de seconde équipe...).
Par son triomphe commercial, il jette les bases du péplum, biblique ou pas, et redonne vie à Cinecitta que la Seconde Guerre mondiale avait partiellement détruit. Emaillé de moments spectaculaires tels l'incendie de Rome, la poursuite en chars ou les Chrétiens jetés en pâture dans l'arène, le film accorde également une place importante aux relations entre ses divers protagonistes. Il prend pour héros un consul qui incarne toute l'arrogance de Rome, auquel Robert Taylor prête son assurance virile. Désagréable et méprisant, il tombe amoureux d'une otage lygienne écartelée entre sa foi chrétienne naissante et une attirance réciproque pour ce militaire qui symbolise tout ce qu'elle abhorre. Au sommet de sa beauté délicate et racée, Deborah Kerr interprète avec son intelligence raffinée, cette femme à la fois déterminée et passionnelle qui saura humaniser l'homme qu'elle aime. Parallèlement, Mervyn LeRoy dresse un portrait peu flatteur de Néron, présenté comme un bouffon aussi dément que pitoyable, passant ses journées mollement avachi en train de (mal) chanter sous le regard désapprobateur des sénateurs pendant que Poppée, putain devenue impératrice, transforme le palais en (sage) lupanar. Au milieu, Pétrone observe avec amertume la destinée de ces personnages prisonniers pris dans le conflit entre Rome et le christianisme que le film dépeint avec cette sensibilité sulpicienne typique du Hollywood des années 50. Quo Vadis compte parmi les péplums les plus marquants aux côtés de La terre des pharaons, des Dix commandements, de Ben-Hur et de Spartacus. (08.02.2022) ⍖⍖⍖
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