10 août 2018

KröniK | Luna - Swallow Me Leaden Sky (2018)


Nous nous souvenons encore de cette vague funéraire qui s'est abattue, il y a plus de quinze ans, se répandant comme une lèpre blafarde depuis l'Europe de Nord et essaimant au quatre coins du globe. S'il puise ses racines dans les années 90 et les travaux de Cathedral ("Forest Of Equilibirum"), Winter et surtout du diptyque finlandais Thergothon et Unholy, c'est au début de la décennie suivante que le funeral doom s'impose comme un  (sous) genre à part entière dont les caractéristiques sont fixées par Shape Of Despair, Tyranny, Comatose Vigil, Until Death Overtakes Me et tous les flagellants du défunt label Firebox. Depuis, malheureusement, les (bonnes) surprises se font rares, expliquant pourquoi "Swallow Me Leaden Sky" trouve un écho aussi funèbre que précieux chez tous les dépressifs que nous sommes.
Luna, son auteur, n'invente pourtant rien, fidèle à ce credo mortuaire dont il utilise toutes les cordes, du tempo englué dans une éternelle nuit hivernale jusqu'à ces nappes brumeuses qui répandent à l'infini un suaire fantomatique. Mais c'est justement par son orthodoxie que l'Ukrainien nous séduit accouchant d'une offrande de pur doom funéraire dans les bras de laquelle il est tellement bon de s'endormir... Pour ne plus jamais se réveiller. Ceci étant, si elle cherche nullement à le rénover, l'âme solitaire qui se cache derrière ce projet,  n'hésite cependant pas à offrir au style une expression plus démesurée encore, repoussant à l'extrême les limites d'une lancinance cafardeuse. Le format dilaté des deux monumentales pistes qui remplissent ce troisième album, lesquelles franchissent généreusement la barre des vingt minutes au garrot, témoigne déjà de ce jusqu'auboutisme aussi admirable qu'absolu. Enfin, sa dimension intégralement instrumentale nourrit l'emphase symphonique de ce "Swallow Me Leaden Sky" dont la majestueuse beauté évoque une nature sombre et romantique à la fois. Corollaire de cette absence de chant d'outre-tombe pourtant consubstantiel au funeral doom death et du primat des claviers sur la guitare, l'ensemble arbore finalement des traits plus mélancoliques que vraiment suicidaires. Ce qui n'enlève rien, ni à sa valeur et encore moins à sa puissance émotionnelle. Entre deux coups de caisse claire qui s'apparentent à d'ultimes battements de coeur, 'Everything Becomes Dust' perce dans le brouillard un grandiose paysage forestier que nimbe l'aube de son voile spectral. C'est long, c'est lent, c'est répétitif mais vibre néanmoins d'une splendeur transie et laiteuse. Après quelques arpèges boisés, la plainte éponyme étire un voile funèbre en s'enfonçant inexorablement dans un éther liturgique. Le temps parait suspendu autour de la toile que tissent des synthés vaporeux figés dans les eaux gelées d'un lac nocturne. Si le tempo s'emballe parfois, ces tentatives d'accélération sont vite avortées, prisonnières d'une gangue éthérée. Vous l'aurez donc compris, "Swallow Me Leaden Sky" est le gemme le plus étincelant que le funeral doom nous ait livré depuis très longtemps. (13/02/2018)

4/5

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