Throatruiner,
Lost Pilgrims, Rennes, théâtre d'une effervescence hallucinée... Il est des
noms qui, plus que d'autres, plantent un décor, paysage ravagé promesse d'une
terrassante coulée de boue. Ceux qui suivent, à raison, ces deux labels n'ont
de toute façon que faire d'une chronique comme celle-ci, convaincus avant même
d'avoir écouté de recevoir à chaque fois
une belle enclume dans la gueule. Nous pourrions du coup arrêter ici ces
quelques lignes. Et quand un groupe a déjà fait parler de lui, c'est à genoux
qu'ils sont, la bouche ouverte, prête à accueillir l'infâme hostie. Tel est le cas de Fange. Là aussi, tout est
une question de nom, de celui du quatuor à ceux de ses crachats.
"Poisse", "Purge", ça vous créé un univers, sale et sévère,
macérant dans une mélange poisseux de foutre et de mazout. A la manière d'un
Cult Of Occult, Les Rennais font partie de ces spéléologues extrêmes qui osent
s'enfoncer là où personne d'autres avant eux n'a eu l'inconscience d'aller,
repoussant chaque fois plus loin les limites de l'audible jusqu'au moment ou
l'homme se transforme en bête. Pourtant, faire pire dans la noirceur
viscéralement charbonneuse que le séminal "Poisse", EP gravé en 2014 dont
les purulents stigmates qu'il a creusés ne sont pas encore prêtes de se
refermer, était (presque) impossible. De fait, ce premier long paraît en
comparaison étonnamment sage mais c'est une nuance dans la brutalité. Non pas
que Fange ait décidé de mettre du sirop dans son réservoir mais la glaise
visqueuse qu'il sculpte, ressemble maintenant moins à une bouillie sonore,
perdant sans doute en chemin une part de sauvagerie apocalyptique mais gagnant
en revanche une force malsaine plus imposante encore, plus lancinante comme un
scalpel rouillé qui laboure la chair, témoin un 'Etouffoir' meurtri de lentes
perforations. La voix bestiale de Matthias Jungbluth (Calvaiire et boss de
Throatruiner Records d'ailleurs), colle idéalement à ce magma qui bouillonne
d'une haine bilieuse, laissant Jean-Batpiste Lévêque se concentrer sur
l'édification d'un tertre d'ambiances noise. Et le groupe, au diapason d'une
sourde violence, emmené également par Benjamin Moreau, guitariste de Huata,
lequel abat un travail de sape dissonant et crasseux, n'a toujours pas besoin
d'une basse pour forer jusqu'à l'os une
intimité ferrugineuse au fond de laquelle macère un jus mortifère. Bien que
composé de six titres aux dimensions massives, vouloir émietter ce "Purge"
aux allures de bloc inviolable, semble vain car c'est dans globalité rugueuse
et survoltée qu'il prend toute son ampleur, atteint une érection dont on guette
l'explosion en ouvrant grand les orifices. Avec toujours les maîtres Entombed
et Celtic Frost en maraude, Fange n'en affirme pas moins sa personnalité, rude
et intense, poisseuse et souterraine, quoique plus élaborée qu'à ses débuts.
Dans son genre, "Purge" écrase tout sur son passage et laisse un goût
de sang dans la bouche. 3.5/5 (2016)
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