Malgré les incontestables qualités de ses trois
aînés, il est évident que c'est « Legend » qui a permis à Witchcraft
de franchir un palier supérieur autant en terme d'écriture que d'exposition,
aidé en cela par l'alliance scellée avec le puissant Nuclear Blast. Quasi
précurseurs en 2004, avec leur galop d'essai éponyme, de cette vague rétro
devenue en l'espace de quelques années aussi incontournable qu'à la mode, les
Suédois ont en effet atteint leur maturité huit ans plus tard, propulsant alors
leur Hard Rock antédiluvien vers une autre dimension, plus Doom et évolutive à
la fois. De fait, ce cinquième album était extrêmement attendu, sorte de Graal
rêvé pour tous les amateurs de sonorités venues d'un autre temps et ce,
d'autant plus que le groupe se sera fait désirer, laissant écouler (encore une
fois) plus de trois années entre deux de ses offrandes, long tunnel qui aura
permis à son chanteur et fondateur Magnus Pelander de faire le grand ménage de
printemps, se séparant de tous ses compagnons de route. Passant de quatre à
cinq membres en 2012, Witchcraft resserre aujourd'hui ses rangs pour devenir un
trio et plus que jamais le jouet du seul vocaliste. Si, pour
« Legend », celui-ci avait décidé d'abandonner la guitare pour se
concentrer sur son chant, avec la réussite que l'on sait, le fait qu'il ait
décidé d'assurer désormais toutes les parties de six-cordes est-il pour autant
le signe d'un retour en arrière dont « Nucleus » serait le témoin ?
Comme souvent, la réalité se révèle plus complexe car cet album échappe
aux comparaisons automatiques. Ainsi, s'il arbore des traits moins lourds que
son prédécesseur et renoue avec cette spontanéité sinon une forme de simplicité
qui animaient les Suédois à leurs débuts, comme semble le confirmer les titres
les plus courts du lot, à commencer par ce 'Theory Of Consequence', aux modelés
cependant assez rugueux, cet opus affirme avant tout les velléités progressives
de ses auteurs qui font désormais plus qu'affleurer à la surface de
compositions dont certaines flirtent avec les quinze minutes au compteur à
l'image de la pièce éponyme, lent morceau de bravoure aux multiples pans qui
s'achève en apothéose par un long solo déchirant de beauté sur fond de
choeurs brumeux. Synthèse de tous
ses devanciers, l'album alterne titres accrocheurs et pulsations aux allures de
tableaux de maître en un juste équilibre entre énergie pesante et atmosphères
duveteuses. Au rang des premiers, citons le terminal 'Chasing Rainbows', 'The
Obsessed' ou 'To Transcend Bitterness' tandis que les seconds, vers lesquelles
tend d'ailleurs notre préférence, sont incarnés tour à tour par
'Maelstrom », curieuse entrée en matière qui ne démarre réellement qu'au
trois-quart de l'écoute, après de lents préliminaires, 'An Exorcism Of Doubts', montée en puissance
galvanisante,'Helpless', respiration instrumentale et bucolique qui précède la
pièce la plus étirée du lot, ce 'Breakdown' qui n'évite toutefois pas quelques
longueurs. A l'écoute de
« Nucleus », on mesure à quel niveau
de maîtrise les Suédois sont parvenus, soignant une écriture de plus en plus
ciselée sans pour autant sacrifier une mélancolie doucereuse qui ourle toujours
des compositions puissamment émotionnelles dont le vecteur reste plus que jamais
Magnus Pelander, véritable clé de voûte d édifice autant grâce à ses lignes de
chant, sources de frissons qu'à ses parties de guitares. L'album ne souffre
absolument pas de l'absence d'un second guitariste car l'homme abat un très
beau travail. « Nucleus » confirme l'évolution entamée avec
« Legend » dont il est à la fois différent et complémentaire. (2016)
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