13 janvier 2012

KröniK | Cloaca - Lassitude (2010)


Que Chris Naughton, guitariste issu à la base du terreau sludge, fasse montre d'une telle aisance dans le Black-Metal, genre dont il exalte la rudesse païenne avec Winterfylleth, est étonnant. En revanche, qu'il réussisse avec Cloaca, un des (nombreux) projets qu'il a sur le feu, à sculpter la roche du Post-Hardcore avec une maîtrise aussi exceptionnelle, l'est beaucoup moins.
Il n'empêche, Lassitude, première échappée d'une douloureuse beauté, que le Britannique a par ailleurs choisi comme carte de visite de son propre label, Lone Vigil Recordings, qu'il vient à peine de mettre sur pied, s'impose d'emblée comme une des plus puissantes créations dans un genre où l'on pensait pourtant avoir déjà tout entendu depuis quelques années. En cinq titres (pour plus de 75 minutes d'un Golgotha sans fin), dont une pause instrumentale squelettique à mi-parcours, manière de scinder l'album en deux, Cloaca fait sortir de terre un monument gigantesque d'une démesure dans le désespoir comme il nous a rarement été donné de l'entendre. D'une architecture extrêmement dense qui palpite d'une tension sourde, l'édifice se déploie sous la forme de marathons sonores oscillant entre 10 et 20 minutes d'une puissance granitique dont on a l'impression qu'elle provient du plus profond de la terre, épicentre d'un métal ultra-pesant qui ruissèle néanmoins d'une tristesse absolue. "Shellshock", déchirante montée en puissance propulsée par les rouleaux d'une batterie tellurique et dont les ultimes mesures s'estompent progressivement, constitue la définition la plus juste d'une musique écartelée entre rage explosive, qui s'exprime par l'entremise d'un chant forcément sous tension permanente, et fissures atmosphériques creusées par des riffs dont les notes sont trempées dans l'encre noire du désespoir le plus profond. Cloaca prend son temps pour installer des ambiances tragiques, peinture d'un monde contemporain en plein naufrage, à l'image de ces bateaux solitaires échoués sur une plage grise d'Angleterre. Lassitude est de ces œuvres qui laissent des résidus durables dans la mémoire et qui vous hantent encore longtemps après qu'elle ait été rangée. Cloaca transcende le genre post-hardcore auquel il vient de donner une de ses plus lettres de noblesse. Corollaire de cette éblouissante réussite, on se demande comment la formation parviendra à faire mieux par la suite. Vu le talent de Chris Naughton, on ne se fait pas tant de souci que cela... 4/5 (2010) | Facebook


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