Ural
Umbo. Derrière ce patronyme étrange se dressent les silhouettes de deux
activistes du son électronique à cheval entre le vieux et nouveau continent :
Reto Mäder (Sum of R, R74) et Steven Hess (Haptic). Définir le matériel né de
cette collaboration s’avère peu aisé. Drone ? Electro ? Ambient ? Sans doute un
peu tout ça à la fois sans que ces étiquettes soient réellement révélatrices
d’un magma qui échappe en fait à toute classification. Entièrement
instrumental, ce premier essai éponyme possède des allures de kaléidoscopes
d’images qui se chevauchent, se fracassent les unes contre les autres. Images
délavées, tristes d’une vie qui défile à toute vitesse. Relié par un fil
conducteur, les neufs pistes s’enchaînent, chacune formant le côté d’un édifice
brumeux dont on perçoit l’architecture générale qu’une fois le tour du
propriétaire effectué. Et encore. Car Ural Umbo est de ces œuvres qu’une vie
entière ne suffira jamais à en pénétrer toutes les arcanes. Ces morceaux sont
courts mais toujours dérangeants. Des guitares drone au goût de ferrailles (le
lent crescendo « Voices from the Room Below ») copulent avec des fentes sèches
d’où ruissèle un fluide proche de la noise ou de la musique classique
contemporaine. De ces ébats désincarnés
nait une bande-son apocalyptique et ténébreuse à la fois, constamment perturbée
par l’invasion de corps électroniques qui contribuent à donner à cette
plastique des traits bizarres et inquiétants (« Don’t Eat Carrots, My Little
Ghost Horse »). Alors que certains motifs pourraient fonctionner comme des
balises, à l’instar des rush de guitares bourdonnantes sur le sublime «
Stumbing Upon Blood And Mercury », Ural Umbo aime toujours à brouiller les
pistes, à perdre l’auditeur dans un dédale nébuleux et opaque dont on ne
trouvera sans doute jamais la sortie. Il y a toujours un détail, des sonorités
comme échappées du fin fond d’un trou noir, une batterie déglinguée qui
empêchent ces compositions de suivre un schéma connu ou rassurant. Chacune
d’entre elles semble être une élévation brumeuse au-dessus d’un monde rongée
par la décrépitude ("Pendulum Impact Test"). Indescriptible, cet
album, de fait, se vit plus qu’il ne s’écoute. Une écoute au casque, dans la
noirceur de la nuit constitue le seul cadre possible à sa pénétration. Une
expérience dont la teneur franchement expérimentale ne s’adresse pas, comme on
pourrait le croire, aux mordus du gros son et de l’école Sun O))) mais
davantage aux happenings d’un Aluk Todolo et d’une manière générale des ovnis
traversant le catalogue du label Utech records où Ural Umbo a donc tout à fait
sa place… (2010)
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