On avait bien senti que, ces dernières
années, ça n'allait plus très fort pour Devin. Entre un Strapping Young Lad -
projet qui ne lui convenait plus - qui virait de plus en plus à l'autoparodie,
à la mauvaise blague, le sabordage du Devin Townsend Band et un Ziltoid
The Ominiscient, certes sympathique, personnel (comme toujours) et fun
mais peu ambitieux, le Canadien donnait l'impression de s'être égaré et donc,
de plus que jamais se chercher. Comment va-t-il aujourd'hui ? Ses albums étant
de véritables miroirs de son état d'esprit du moment en même que de sa santé
(mentale), de fait Ki nous
rassure. Annoncé comme le premier volet d'un ensemble de quatre opus (!) à la
fois différents et très certainement complémentaires qui devraient voir le jour
d'ici la fin de l'année, il montre un Devin Townsend enfin apaisé, posé et en
phase avec lui-même, avec ce qu'il est. Ces treize chansons (sur un total de 47
en tout, en sachant qu'il en avait composé au départ 65), plus proches d'un
rock atmosphérique que du metal, et encore moins du progressif, genre dans
lequel le musicien est aussi à sa place que Sarkozy à un meeting du NPA,
risquent d'en décevoir pas mal. Car si l'empreinte du Canadien se veut toujours
bien présente (comment pourrait-il en être autrement ?), comme l'illustrent les
premières mesures de "Disruptr" par exemple cependant que l'on pense
parfois à Terria, comme lors de l'écoute de son morceau éponyme, Ki
surprend par son apparent (et faux) manque de puissance. Corollaire de cette
observation, il déçoit tout d'abord. A l'instar de maints grands disques, il
réclame nombre de préliminaires pour le pénétrer en profondeur. mais, une fois
bien au chaud dans la chair de son intimité. Tout y est en vérité épuré, feutré
et réduit à une expression simple, qui ne veut pas dire simpliste. Cette
évolution est le fruit notamment du récent travail de Devin sur cet instrument
qu'est la basse (un titre tel que "Heaven Send" s'en ressent), sur le
silence parfois aussi important que les notes que l'on joue. Il ne ressent plus
le besoin de faire le maximum de bruit ou d'éjaculer une cascade de gammes,
quand bien même le solo qu'il lâche sur "Heaven Send" est tout à fait
digne dans sa folie de son ancien mentor Steve Vai. Néanmoins, Townsend n'est
pas Malmsteen. Contrairement au Suédois, son jeu est pourtant gorgé de cent
fois plus de feeling. Il suffit d'écouter le pointilliste "Terminal"
pour s'en convaincre. Il est une brise délicate, pleine de justesse, parfois
proche de certains travaux de Steven Wilson. Aucune saturation, seulement
quelques notes égrenées avec émotion et un sens de l'économie admirable. Ce
dépouillement pourrait être austère, il n'est que grâce et pureté. Cet album
regorge de puissance mais celle-ci nait en fait du silence, d'un calme
apparent. On pourrait presque parler de force intérieure, souterraine. Des
perles d'écriture, belles comme un chat qui dort, telles que "Coast",
"Gato", l'instrumental aérien "Ain"t Never
GonnaWin...", très seventies dans l'esprit avec ses effets à la wah wah,
les lents "Winter" et "Lady Helen" se drapent presque dans
un voile fantomatique au point d'en devenir insaisissables tandis que Devin n'a
pas résisté à glisser de ci de là quelques curiosités comme il en a le secret,
témoin de ses goûts éclectiques, à l'image de l'étonnant "Trainfire"
(lequel, d'ailleurs, aurait sans mal pu apparaître sur le délirant Infinity)
qui le voit crooner de la plus belle des manières ou le quasi pop "Quiet
Riot". Voilà donc un disque d'une très grande richesse, malgré la grande
cohérence qui le traverse, introduction et trait d'union avant les autres pans
que l'on hâte de découvrir et sans doute ce que Devin Townsend a offert de plus
abouti depuis Synchestra, voire même Accelerated
Evolution. 4/5 (2009)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire