Découverte en 2013 grâce à l'émission “La France a un incroyable talent”, Rachel Aspe a ensuite eu la lourde tâche de remplacer Candice Clot au sein de Eths avec lequel elle n'a finalement enregistré qu'un album ("Ankaa"), aussi personnel et riche que contesté par les fans de la première heure. Depuis 2016, elle s'est investie comme tatoueuse avec un succès certain. Installée à Londres, elle fait la connaissance du guitariste de TesseracT, James Monteith, qui en 2021 la recrute pour gueuler dans le micro au sein de Cage Fight. Au départ projet purement récréatif que le Britannique destine avec son bassiste et ami Jon Reid (Broken Chakra) à épancher leur soif en bon vieux hardcore des familles, le groupe en devient donc véritablement un avec l'arrivée de la chanteuse et du batteur Nick Plews (Corpsing). Rageur, le résultat de cette collaboration forcément furieuse est ce premier album qui, au vu du background de ses géniteurs, ne fait ni dans la dentelle ni dans l'amateurisme. Quatorze saillies se serrent dans un menu aussi trapu qu'épileptique qui moissonne les cadavres avec une puissance implacable et millimétrée. En hybridant habileté nerveuse et violence épidermique, le quatuor fait très mal, faisant fi des préliminaires et de la vaseline.
On sort exsangue de sa défloration, lessivé par une telle décharge de brutalité que rien ne vient jamais stopper si ce n'est timidement (et en fin de parcours) avec la reprise du 'Bitch In The Pit' de Body Count, que Rachel adoucit (très) brièvement par un chant clair miraculeux que nous n'attendions plus. Dans un registre énervé ou parfois caverneux comme une bête en rut ('Guillotine'), la belle encrasse l'ensemble d'une férocité atavique dont la noirceur bitumeuse la connecte à une (in)humanité crasseuse au bord d'une dégénérescence terminale. Mais tout n'est pourtant pas qu'agressivité dans ce concentré de colère. Des morsures qui giclent du thrash pur et dur ('Hope Castrated'), une verrue hip-hop au milieu ('Cage Fight') ou un 'My Dreams' plus audacieux et gorgé de mélodies sophistiquées et d'une virtuosité éblouissante qui ne l'exonère pas en bout de course d'un côté lancinant sombre et vicieux, injectent à ce galop d'essai une énergie accrocheuse et extrêmement travaillée, sans pour autant jamais le rendre vraiment aimable. Tout du long, on devine un méfait nourri d'une frustration, d'une rage qui explose à chaque éructation, à chaque break. L'envie de se faire plaisir en régurgitant un hardcore mâtiné de death metal, comme si Cro Mags copulait avec The Black Dahlia Murder (le récemment regretté Trevor Strnad surgit d'ailleurs sur 'Eating Me Alive'), dicte à Cage Fight ce premier dégazage, bouillonnant et féroce que plombe une puissance épaisse de rouleau-compresseur mais aucune faiblesse. Si un succès attendu lui est promis, reste à savoir ce que le groupe en fera, rampe de lancement pour une longue carrière ou one-shot dont l'efficacité colérique aura au moins permis d'assouvir nos pulsions les plus agressives... (9 mai 2022 | MW) ⍖⍖
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