9 juillet 2021

KröniK | Dread Sovereign - Alchemical Warfare (2021)




Pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents, sachez que Dread Sovereign est le laboratoire qui permet à A.A. Nemtheanga, le chanteur de Primordial (mais est-il vraiment besoin de le rappeler ?) d'épancher sa soif de doom. Si tant est qu'on puisse réellement réduire la musique du trio irlandais à ce genre-là. Certes, le groupe affectionne les compositions dilatées, les tempos engourdis. Certes, de par sa tessiture puissamment mélancolique, la voix de Alan Averill (son vrai nom) se veut l'idéal burin servant à sculpter des tertres doloristes. Certes, l'ambiance générale invite davantage à la contrition qu'à la joie de vivre. Bref, autant d'invariants propres à un style où les valeurs, l'authenticité et le respect du dogme priment généralement sur l'audace et les velléités émancipatrices. Ce que ne s'interdisent justement pas les Irlandais qui ont su trouver l'équilibre entre la tradition et, non pas la modernité, mais une approche plutôt singulière car perméable à d'autres courants, du rock quasi cosmique au black metal le plus primaire. Le tout enrobé d'un son très rustique, dégraissé de tout artifice ou de scories mélodiques. Et plus le temps passe, plus Dread Sovereign, que Nemtheamga butine entre deux fournées de Primordial, semble n'en faire qu'à sa tête, cultivant sa différence et sa liberté. Alchemical Warfare en témoigne. Comparé notamment à son devancier, For Doom The Bells Toll, il trace un sillon nettement plus difficile à suivre. Creusé par de courts instrumentaux (le prologue 'A Curse On Men', 'Viral Tomb') et des saillies ('Devil's Bane' ou la reprise de Bathory 'You Don't Move It (I Don't Give A Fuck)') dont la sécheresse brutale tranche dans un ensemble souvent brumeux et enveloppant, le programme est ardu à pénétrer. 


Que les titres au format le plus étiré soient eux-mêmes introduits par un lent et interminable tricotage renforce cette impression d'être confronté à un bloc hermétique et néanmoins pluriel. Alchemical Warfare réclame donc patience à celui qui décide de s'aventurer dans les souterrains de son intimité sombrement occulte. Il y a bien sûr le chant reconnaissable entre mille de Alan Averill, aux allures de balise, de vigie perçant ce brouillard opaque et auquel il est impossible de résister pour qui est sensible à la force bouleversante qui s'en dégage ('The Great Best We Serve'). Mais limiter Dread Sovereign au seul chanteur serait injuste tant la guitare de Bones et la batterie de JK participent tout autant à l'érection de ces reliefs à la fois abrupts et nimbés d'un voile nébuleux. La première oscille entre foreuse tellurique et morsures très rock'n'roll, la seconde bat d'un pouls aussi pulsatif qu'hypnotique. A eux trois, ils nous entraînent dans une sarabande autour d'un gouffre sans fond dont l'illustration la plus achevée demeurent les pavés que sont 'She Wolves Of The Savage Season', 'Nature Is The Devil's Church' et 'Ruin Upon The Temple Mount', qui coulent leurs effluves millénaristes tachées de magie noire dans un creuset rampant et impétueux, vecteur d'une désolation granitique. Plus que jamais, Alchemical Warfare affirme la singularité de Dread Sovereign, sorcier d'un heavy doom aux relents de black metal dont la dureté ne l'exonère pas d'une agonie moelleuse... (30.01.2021 | MW) ⍖⍖⍖

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