Dans les années 70 et contrairement à aujourd'hui, la frontière entre le porno et des formes d'expression artistique plus traditionnelles était poreuse. Ainsi, il n'était pas rare de voir des techniciens de cinéma "classique" s'encanailler dans le X, que l'on songe en France à Claude Mulot et à Claude Bernard-Aubert (finalement plus célèbre sous le pseudonyme de Burd Tranbaree) ou aux Etats-Unis, avec l'ancien directeur de la photo d'Orson Welles, Gary Graver. De même, nombre de comédiens de l'âge d'or du X américain viennent du théâtre off-Broadway, expérience qui les enrobe d'un incontestable vernis comique ou dramatique, par ailleurs souvent couplée à un charisme certain. Il suffit de visionner The Amazing Dr. Jekyll, qui n'est pourtant pas une oeuvre emblématique du genre pour constater le gouffre qui existe entre les hardeurs de jadis et leurs pales héritiers dont le talent ne se mesure plus qu'à la taille de leur chibre. Dans cette comédie fantastique et farfelue, Harry Reems endosse le rôle du descendant du docteur imaginé par Robert Louis Stevenson qui, après avoir ingurgité la potion inventée par son aïeule, se transforme en bête... sexuelle. Evidemment. Mélangeant l'histoire du Dr. Jekyll avec Frankenstein (le personnage du majordome bossu Igor), Zebedy Colt déroule un film qui gagne peu à peu en folie tout en témoignant de cette appétence pour le bizarre qui lui est "chair". Il s'appuie pour ce faire sur un Harry Reems en roue libre (dans le bon sens du terme) aussi à l'aise avec son manche qu'avec l'humour. Binant ses nombreuses partenaires féminines, il n'hésite pas à pousser la chansonnette dans un style glam rock à paillette étonnant. S'il tire avant tout sa notoriété pour avoir participé aux matriciels Gorge profonde (1972) et The Devil In Miss Jones (1973), deux bobines cul(tes) qui ont pétri le porno de la grande époque, The Amazing Dr. Jekyll lui fournit l'occasion de déballer, en plus de sa queue, ses réels talents de comédien, en dépit d'une réussite plus mineure - mais plus loufoque aussi - que les deux films référentiels qui l'ont devancé. On comprend alors mieux pourquoi, aux côtés des Jamie Gillis, John Leslie ou Eric Edwards, Reems compte parmi ces acteurs légendaires qui ont accompagné l'érection du cinéma porno dans les années 70, époque bénie de liberté sexuelle mais pas que. Un acteur qui bouffe l'écran comme une chatte, une histoire amusante, des scènes qui frôle le délire et une mise en scène crapoteuse définissent cette relecture sexuelle du Dr. Jekyll. (vu le 21.09.2021) ⍖⍖
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