Injustement méconnu, The Boss est un film curieux en cela qu'il n'emprunte pas tout à fait le chemin qu'on serait tenté de lui voir prendre de prime abord. Ainsi, l'association entre le réalisateur Byron Haskin (Quand la Marabunta gronde) et l'acteur John Payne, outre le fait qu'elle était pour le moins alléchante, semblait promettre un petit thriller de série B aux coutures nerveuses. Si son budget de classe économique le rattache en effet aux productions modestes, le métrage renoue avant tout avec un certain film noir des années 30, celui qui compte l'ascension puis l'inévitable chute d'un caïd. Mais les temps ont changé et alors qu'à cette époque, ce genre de récit n'évitait que rarement le sermon moralisateur, The Boss trace au contraire un parcours que ne solde aucune rédemption. Nous devons cette noirceur à Dalton Trumbo, scénariste blacklisté que le Maccarthysme oblige à cacher la plume sous un prête-nom (celui de Ben Perry). Sa présence explique également l'étoffe d'un matériau qui remue à la fois la fraude électorale, les relations troubles entre hommes politiques et mafia et en corollaire la corruption des élites qui se sentent obligés de se cacher derrière une façade vertueuse. Dans la peau de ce baron local brutal et égocentrique, incapable de la moindre empathie pour quiconque hormis son meilleur (et seul) ami, John Payne livre une performance étonnante, très éloignée de ses rôles habituels d'aventuriers ou de cowboys dans une admirable collection de séries B. Tout du long, on croit - ou espère - que son personnage finira par s'améliorer mais en vain. Sa relation avec son épouse, femme sans charme qu'il n'aime pas mais se refuse à quitter alors que sa détresse affective saute aux yeux, se révèle particulièrement intéressante, confirmant les qualités récurrentes de ce type de films qui compensent la maigreur de leur budget par une richesse psychologique souvent plus fouillée que dans des productions prestigieuses ainsi que par de réelles recherches plastiques et une inventivité ad hoc. Citons à titre d'exemple, la fusillade dans la gare et surtout l'affrontement final entre Matt Brady et Johnny la crapule dans une usine de ciment aux accents quasi telluriques. L'habileté de Byron Haskin pour trousser sans esbroufe ni temps mort le scénario qu'il a la charge d'illustrer, n'est plus à démontrer. Une telle concision laisse aujourd'hui rêveur. Ce qui, dans les années 50, parvenait à se serrer dans les 90 minutes réglementaires, ne s'étirerait pas actuellement en-dessous des trois heures de pellicule. Reste que c'est peut-être néanmoins dans ce sens de l'épure, dans cette conduite directe et rapide d'une histoire aux multiples strates, que réside l'unique faiblesse de The Boss qui cherche à trop en dire dans la durée trop courte qui lui est impartie. Comme si son sujet était finalement trop ambitieux pour son format de série B... Mais c'est donc aussi ce qui fait, en partie, sa force. The Boss est un grand petit film à découvrir, à l'image de John Payne, acteur oublié dont on ne rappellera jamais assez tout le bien qu'il faut penser de sa carrière. (vu le 27.01.2021) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire