Certes, il y eut un Ben Hur muet en 1925, sous la houlette de Fred Niblo, mais pour tous les cinéphiles et dans l'inconscient collectif, il n'existe bien qu'un seul Ben Hur, celui de William Wyler. Mis en boîte par le réalisateur des Plus belles années de notre vie (1946), de Histoire de détective (1951), de La loi du seigneur (1956) ou des Grands espaces (1958), Ben Hur demeure un des films les plus mythiques du 7ème art, au même titre que Autant en emporte le vent (1939). Il s'agit aussi probablement du meilleur péplum jamais tourné. Superproduction façon Hollywood, Ben Hur est donc une œuvre gigantesque, à la limite de la mégalomanie (moins toutefois que Les dix commandements de Cecil B. DeMille), tant les décors, les costumes et certaines scènes atteignent les sphères du grandiose, du monumental. Le film impressionne par ses amples mouvements de foule, par la reconstitution de l'architecture, d'un espace qui vit, qui respire, loin de la froideur clinique et déshumanisée des décors reconstitués par informatique. Pourtant, et c'est là la marque d'un grand metteur en scène, d'un véritable auteur, Wyler n'a pas été écrasé par ce gigantisme, contrairement à Joseph Mankiewicz avec son Cléopâtre (1963). Il a au contraire su conserver l'aspect humain de cette tragique et déchirante histoire d'amitié (d'amour ?) trahie. Ainsi, la psychologie des personnages n'a pas été sacrifiée. C'est aussi cette dimension humaine qui fait de Ben Hur une magistrale réussite et qui l'élève au-dessus des autres spécimens du même genre. Ce n'est toutefois pas les (s)cènes intimistes, fort réussies au demeurant, qui ont fait la célébrité de Ben Hur mais ses morceaux d'anthologie. Tout d'abord, l'impressionnante bataille navale, réalisée dans un lac artificiel construit pour l'occasion puis surtout et évidemment, la légendaire course de char dans une réplique du Circus Maximus. Cette séquence est tellement grandiose que toute l'histoire semble devoir y aboutir. Filmé par Andrew Marton, sans doute le plus grand réalisateur de seconde équipe, ce moment terrible qui voit s'affronter le prince de Hur et Messala, nécessita plusieurs mois de tournage pour seulement vingt minutes à l'écran. Mais cette course de char, par son réalisme et la tension dramatique qui la sous-tend, demeure un des séquences les plus célèbres de l'histoire du cinéma, à l'égal quoique d'une manière différente, de l'avion pourchassant Cary Grant dans La mort aux trousses d'Alfred Hitchcock, sorti d'ailleurs la même année. Cette course résume à elle seule le film et la thématique du Bien et du Mal qui le traverse. La symbolique des chevaux (blanc pour Ben Hur, noir pour Messala) n'échappera bien sûr à personne. Charlton Heston est impressionnant dans la peau de ce prince juif. Il prête sa carrure et son regard bleu à ce personnage complexe au destin passionnant, habité par la vengeance mais auquel l'amour d'une ancienne esclave et la rencontre avec le Christ apporteront la paix et la plénitude. Heston, alors au sommet de sa gloire, porte sur ses larges épaules ce film qui lui doit beaucoup. Il contribue, avec la mise en scène plein de lyrisme et d'ampleur de Wyler, à la cohésion du récit. Avec son élégance habituelle, il louera le travail de doublage de Jean-Claude Michel auquel il attribuera un grand part du succès rencontré en France par Ben Hur. Mais les comédiens qui l'entourent ne sont pas en reste, notamment l'impeccable Jack Hawkins et surtout Stephen Boyd, qui ne sera plus jamais aussi bon, parfait dans le rôle de Messala, cet ambitieux que la soif de pouvoir transformera en un être vil et sans coeur. Son interprétation participe de l'homosexualité à peine voilée qui lie les deux principaux protagonistes. Enfin, Ben Hur est aussi le film a peut-être su le mieux saisir à travers quelques épisodes le personnage du Christ dont la vie et le message sont diffusés d'une manière très intelligente. La Passion du Christ est ainsi habilement intégrée à l'histoire, avec une grande justesse. Raflant onze Oscars, le record absolu jusqu'au Titanic de James Cameron, Ben Hur représente enfin l'une des dernières incarnations du cinéma mégalomane à grand spectacle produit par Hollywood avant le déclin des grands studios dans les années 60. (vu le 20.12.2020) ⍖⍖⍖⍖
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