17 janvier 2020

Reido | Anātman (2019)



















Cela faisait longtemps qu'une telle chape de désespoir ne s'était pas abattue sur nous. En nous abîmant dans les vertigineuses arcanes de "Anātman", c'est pourtant ce qui nous est arrivé, les membres engourdis, figés, incapables du moindre mouvement face à une telle vague pétrifiée.

Au jeu de celui qui possède la plus lourde, les Biélorusses n'ont aucun mal à sortir vainqueur. Parler même de son écrasant, de musique des abîmes, à leur endroit, tient finalement presque du doux euphémisme tant ils sont capables à eux trois de faire trembler les murs comme un séisme de magnitude 9 sur l'échelle de Richter. Capables aussi d'appuyer sur l'interrupteur et de plonger dans une nuit épaisse et éternelle tout ce qui les entoure. Car le funeral doom que sculpte Reido porte définitivement bien son nom, jumelant puissance souterraine et noirceur d'encre qu'une froideur sinistre englue dans un sol délavé. Même quand le trio tisse de courtes pistes instrumentale, il réussit à nous assommer, faisant du prologue 'Deathwave' et de 'Anātman', nimbé de miasmes ambient et électroniques qui dégorgent de tristesse, de fausses respirations et de vraies haltes douloureuses.

Au vrai, les deux premières offrandes du groupe, "F:\Fall" (2006) puis "-11" (2011), dont il faut bien reconnaître que nous les avions quelque peu oubliées, ne nous avaient pas vraiment préparé à une telle marée noire. Rivalisant avec Ennui de dureté à la fois glaciale et granitique, Reido rend honneur au doom le plus funèbre, le plus lancinant et quasi immobile. A l'unisson d'une lenteur accablante, d'une inexorabilité maladive, ses trois membres appliquent le credo avec respect et fidélité. La voix résonne comme si elle s'échappaient d'infâmes boyaux, guitare et basse sont accordées plus bas que terre et le batteur a le temps d'aller pisser entre deux coups de caisse claire. Aucun doute, il s'agit bien d'une pure enclume de funeral doom, la langueur blafarde souvent de mise en moins et la sévérité austère en plus. Ainsi qu'une  noirceur terrifiante, à l'image de 'The Serpent's Mission' qui privilégie la brutalité suicidaire à une forme de beauté qui peine à suinter de ce mur cyclopéen que dresse Reido avec une force démentielle durant une bonne heure. Ni espoir ni lumière ne filtrent de ce bloc massif et noueux que couronne le suffocant 'Vast Emptiness, No Holiness' lequel, du haut de ses seize minutes implacables aux allures de tunnel charbonneux, s'enfonce peu à peu en une déréliction corrosive jusqu'à la mort, seule issue possible après ce reflux mortuaire. Avec "Anātman", les Biélorusses érige un monument de désespoir dont la sève viciée effraie autant qu'elle envoûte. (16.11.2019)

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