26 septembre 2015

Ashtar | Ilmasaari (2015)


Mari et femme dans la vie, il est donc presque naturel que le Finlandais Marko Lethtinen et celle que l'on connaît sous le seul prénom de Nadine décident de mêler leurs forces dans un projet commun. Ashtar est donc le fruit de cette union. Il est fréquent dans les couples que l'un ait l'ascendant sur l'autre, ce qui se vérifie ici. Et c'est la belle, à la fois chanteuse, guitariste et bassiste, qui impose sa griffe au duo, artisan d'un art aussi douloureux que vicié, dans la continuité du doom mortifère de Shever, l'ancien port d'attache de la jeune femme, loin par conséquent du stoner space rock de Phased, l'autre groupe de son batteur de mari. Le cadre est posé, (forcément) plombé, rugueux, tellurique, socle étouffant auquel est aussi injectée une puissante dose de black metal ('These Nights Will Shine On'). Le résultat se veut terrifiant d'intensité malsaine, édifice monumental dont les arcs-boutants sont ces guitares directement connectées aux entrailles de la terre, rongées par la rouille et cette voix hurlée, comme frottée avec du papier de verre. Une chape de plomb s'abat sur "Ilmasaari", premier album aux allures de Golgotha, chemin de croix escarpé sillonnant à travers des paysages meurtris, dévastés. Quarante-six minutes faites de coups de boutoir implacables, imprimant une tension souterraine. Mais Ashtar n'est pourtant jamais aussi bon que lorsqu'il libère un ressac répétitif, tricotant alors des instants pétrifiés comme suspendus au-dessus d'un gouffre sans fin. Son art confine alors à une sorte de transe granitique d'où jaillissent des geysers de beauté, à l'image de 'Celestial', épicentre de presque treize minutes au jus, point G d'une lenteur hypnotique à la fois aérien et minéral. Presque instrumentale, cette piste est travaillée par de multiples forces qui la rendent passionnante, justifiant à elle seule l'acquisition de ce galop d'essai taillé pour les admirateurs de la déesse blonde dont les interventions aussi bien derrière le micro qu'en secouant le manche d'une guitare ou d'une basse, font trembler les murs ('Moons'), excavatrice creusant dans le sol un oppressant tunnel conduisant dans les profondeurs de l'indicible. Bloc de matière brute et noire, qu'éclairent à peine quelques rais de lumière, "Ilmasaari", est un premier album en tout point magistral, tentaculaire et suffocant mètre-étalon d'un blackened doom d'une vicieuse beauté. (2015)


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