Quand de nombreux groupes laissent filer de (trop) nombreuses années entre deux albums, Thumos au contraire ne cesse d'enrichir sa discographie avec une frénésie qui force le respect. Entre démos, EPs, splits et LP, c'est déjà pas moins d'une bonne dizaine d'offrandes gravées en quatre ans qui portent sa signature. Bien sûr quantité ne rime pas toujours avec qualité. Tel est pourtant le cas de ce projet américain dont on ne sait toujours rien. Ni photo ni crédit n'éclairent l'identité de ces musiciens qui se réduisent peut-être même à une seule personne. Peu importe. Mais nous savons au moins une chose à son égard, son originalité tant dans la forme que dans le fond. Ce post doom instrumental et rugueux matérialise la première tandis que le second s'exprime au travers d'un univers inspiré de l'antiquité et notamment de l'œuvre de Platon. Six mois à peine après avoir livré The Republic, son premier véritable album longue durée, Thumos revient donc déjà frapper à nos esgourdes avec The Course Of Empire. Collaboration avec le tout aussi étrange Spaceseer, il ne mérite pas moins d'attention que son devancier. Davantage qu'un split où chaque intervenant se fend d'un certain nombre de pistes, l'opus se veut le fruit d'une alliance dans laquelle se confondent les deux protagonistes en présence. Comme son titre et sa pochette l'indiquent, le disque puise son inspiration dans l'ensemble de toiles réalisées par Thomas Cole, chef de file de la Hudson River School et baptisé "Le cours de l'Empire", lui-même influencé par la chute de l'empire romain. Ces peintures datées de 1836 illustrent le cycle de vie d'une civilisation de la naissance (l'état sauvage) à la mort (La destruction).
Il est aisé de deviner le parallèle que les auteurs de cet album tendent entre le passé et le monde actuel, entre les empires d'hier et ceux d'aujourd'hui, entre la Rome antique et les Etats-Unis en proie à un déclin civilisationnel. Ce thème commande une construction toute en progression qui, mitée par une poignée d'interludes, suit les étapes successives de la vie d'une cité, et qui confèrent aux différentes pistes une coloration bien distincte. 'Commencement' gronde d'un souffle épique dont le caractère percussif résonne comme l'érection puissante d'une architecture sortie de terre. Mais déjà 'Arcadian' palpite d'une sève plus sombre comme une menace qui couve dans ses entrailles. Toujours plombé et rocailleux, le rythme avance à la manière de cohortes partant en guerre. Epicentre de l'écoute, 'Consummation' annonce la déchéance à venir. Les traits se font de plus en plus durs. Un tourbillon de violence paroxysmique ronge les fondements de cette civilisation que les ténèbres envahissent peu à peu. La beauté hypnotique des origines cède la place à une noire laideur qu'aucune lumière ne vient atténuer. Guitares granuleuses, basse sismique et percussions teigneuses sont à l'unisson de cette apocalypse imminente. Riffs déglingués et nappes ambient corrosives arasent un 'Destruction' qui crépite d'émotions funèbres avant que le néant de la désolation n'emplissent ce paysage de fin du monde. Concept-album, The Course Of Empire se doit d'être appréhendé dans sa désespérée globalité, monolithe qui peu à peu se fissure. Ecrit à plusieurs mains avec Spaceseer, il confirme à la fois la singularité de Thumos en même temps que sa force créatrice doublée d'une insolente fertilité. (25.06.2022 | MW) ⍖⍖⍖
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