21 juin 2019

KröniK | Comatose Vigil A.K. - Evangelium Nihil (2018)

Non Serviam Records

En 2005, Comatose Vigil publiait "Not A Gleam Of Hope" qui, avec les descentes spéléologiques de Tyranny, Until Death Overtakes Me ou Shape Of Despair, enfantées à la même époque, a contribué à fixer les codes du funeral doom seconde génération, la première étant incarnée par le triumvirat finlandais Unholy / Skepticism / Thergothon, auquel s'ajoutent les efforts matriciels des Américains Winter et Evoken. Après ce coup d’essai aux allures de coup de maître, le groupe russe connaît pourtant une trajectoire émiettée voire chaotique, ne publiant qu’un seul EP ("Narcosis" en 2006) et enfin un tardif second album ("Fuimus, Non Sumus…" en 2011). Abstract Spirit, dans lequel officie le chanteur Andrey Karpukhin, a pu combler ces longs silences sans toutefois égaler son aîné et sa puissance abyssale. Finalement, Comatose Vigil finit par se saborder en 2012, pour se reformer deux ans plus tard avant de voir son caveau se refermer définitivement en 2016, miné par de profondes dissensions internes. Au grand désarroi du chanteur désireux de poursuivre l’aventure, conscient que celle-ci ne peut se terminer ainsi alors que nombreux sont ceux à attendre un troisième opus. Mais le guitariste Alexander Orlov (reconverti depuis en Viking avec Ulfdalir) lui ayant interdit d’utiliser le nom du groupe, il est contraint de monter un (faux) nouveau projet qu'il choisit de baptiser simplement Comatose Vigil A.K., manière à la fois de contourner le refus de son ancien comparse et de ne laisser planer aucun doute quant à ses intentions. Pour l'épauler dans cette entreprise, il recrute le batteur John Devos (Mesmur) et le fondateur de Ennui et multi-instrumentiste David Unsaved, auquel il commande des compostions dans la veine de "Not A Gleam Of Hope" et de son successeur dont le Géorgien est un grand admirateur. Eu égard au talent du bonhomme, il ne faisait aucun doute que son travail serait à la hauteur de l'ambition affichée. De fait, "Evangelium Nihil" s'impose d'emblée comme le digne héritier des deux offrandes précitées dont il capture l'essence glaciale, ruminant cette même dépression blafarde et emphatique qu'il augmente d'une force lugubre et frissonnante plus grande encore. Quatre (très) longues plaintes étirent ce doom funéraire englué dans le permafrost dont elles récitent le credo doloriste. Quatre blocs pétrifiés qui se dressent dans la noirceur d'une nuit polaire. Dans leurs tentaculaires arcanes gronde le souffle d'une dépression lancinante. Chant d'outre-tombe qui fait trembler les voûtes sépulcrales, guitares caverneuses et  batterie aux pouls dignes des ultimes battements de cœur érigent un socle granitique que drapent tel un suaire symphonique des nappes gelées de claviers cotonneux. Chaque titre voisine avec les vingt minutes au compteur, ouvrant des paysages immobiles où le temps semble suspendu. Avec un plaisir masochiste, le groupe étire ainsi au maximum les durées pour mieux nous égarer dans les boyaux qu'il creuse dans les profondeurs de la terre, lent bathyscaphe qui s'enfonce peu à peu dans un éther suicidaire. S'abîmer dans les méandres de "Evangelium Nihil" revient à déambuler dans un tunnel entre la vie et la mort. L'ambiance est spectrale, la lumière, quasi inexistante, l'espoir, avalé par une brume caverneuse. Ecrin d'une désolation glaçante, "Evangelium Nihil" est une pièce maîtresse du funeral doom, déprimante et belle tout ensemble. Né des cendres de Comatose Vigil, ce projet en est une incarnation fidèle, grâce à David Unsaved dont la signature, pesante et cyclopéenne, se coule dans cette identité russe, nocturne et hivernale tandis que Andrey Karpukhin cimente les deux groupes par sa voix cryptique. (LCN - 31.01.2019) ⍖⍖⍖





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