16 janvier 2019

A lire | Eosphoros - S/T (2018)


A l'arrivée, on obtient une offrande fascinante qui mêle la beauté du cascadian black à une forme abrasive typiquement européenne.

Il suffit de jeter un œil sur le pedigree des trois musiciens qui le composent pour deviner de quel bois brûle le black metal que rumine Eosphoros. Caverneux et labyrinthique ne peut qu'être le fruit de la copulation entre des membres issus de Shroud Of The Heretic (le chanteur et guitariste JG ainsi que le batteur MK) ou de Triumvir Foul et Shrine Of The Serpent (pour le bassiste AD). Que ce premier rôt éponyme soit lâché par l'entremise du précieux label Iron Bonehead Productions achève d'en faire une de ces bestioles obscures et grumeleuses qui prolifèrent dans les abîmes les plus malsains. De fait, ne vous laissez pas abuser par son visuel boisé évoquant quelque art noir atmosphérique voire pagan, cet opus s'enfonce dans les méandres reptiliens et étouffants d'un monde nocturne que peuplent des silhouettes encapuchonnées et menaçantes nous conduisant vers un autel où se tiendra un sacrifice en l'honneur de divinités plusieurs fois millénaires.


Pour autant, les Américains, quoique guidés par l'esprit des Grands Ancients, appuient moins sur l'interrupteur que prévu. Les dix minutes pendant lesquelles galope le terminal 'Sylvan Apotheosis' se parent d'une puissance épique teintée de mysticisme qui peut rappeler - bien que d'une façon lointaine - Agalloch cependant que l'inaugural 'Promethan Fire', sans doute du reste le meilleur titre du lot, dresse un rempart sévère secoué de coups de boutoir pollués que recouvre l'ombre du black metal d'Europe de l'Est. Malgré une noirceur incisive et parfois déchaînée ('Dross' et ses morsures à Celtic Frost, qu'enjambe toutefois un pont spectral et évolutif), Eosphoros se montre nettement plus accessible (tout est relatif) que les hordes dont viennent ses trois âmes damnés. La durée des titres commande ainsi une expression qui pourrait être extrêmement pesante et sinistre mais qui offre avant tout un cadre dynamique, riche en atmosphères et en sombres aplats (le percussif 'Feral Heart'), ce qui ne l'exonère pas d'un caractère torturé ('Trance Of Annihilation'). A l'intérieur d'un menu assez ramassé, il peut sembler dommage que le groupe ait jugé bon de planter un instrumental ('Solitude') dont les six minutes égrènent une ambiance inquiétante qui ne justifiait néanmoins pas cette trame étirée qui tourne un peu à vide, quand bien même cette piste participe d'un ensemble souterrain grouillant d'une lèpre viciée. A l'arrivée, on obtient une offrande fascinante qui mêle la beauté du cascadian black à une forme abrasive typiquement européenne. (06.09.2018).


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