8 août 2018

KröniK | WuW - Rien ne nous sera épargné (2018)


Amateurs de musique facile et formatée, vous pouvez passer votre chemin. Voilà, maintenant que nous sommes entre nous, nous allons pouvoir aborder sereinement ce "Rien ne Nous Sera Epargné", galop d'essai de WuW au goût prononcé d'insaisissable. Tout ici se pare d'une certaine étrangeté. A commencer par le nom du groupe dont la signification nous échappera sans doute à tout jamais, tout comme le titre de cet album auquel de nombreuses interprétations peuvent être données. Il y a aussi ce visuel, charbonneux et sinistre, qui pourrait être l'écrin d'une offrande dépressive mais se révèle être la porte d'entrée d'un univers certes sombre mais qui va bien au-delà d'une simple noirceur sonore.



On touche alors (ou pas) la substantifique moelle de ce projet épris d'une totale liberté de ton(s) et de trait(s), jardin secret de deux frères musiciens qui refusent d'être inféodés à quelque style que ce soit. Que Guillaume et Benjamin Colin aient coulé du plomb en fusion au sein de Abrahma semble déjà garantir à WuW un enrobage massif et une bonne dose de riffs de mammouth. Quant au caractère intégralement instrumental de la chose, il pourrait laisser poindre à la surface la crête d'un post rock stratosphérique. Il y a un peu de tout cela dans "Rien ne Nous Sera Epargné", irrigué par guitares pachydermiques ('Voir en Même Temps l'Humour et la Tragédie') ou qui s'élèvent très haut ('Une Barque Sans Rames'). Mais, véritable happening sonore, cet opus est le creuset d'un rock protéiforme évolutif et plombé, jazzy et orageux où copulent effluves spatiales et atours ferrugineux ('Nous Etions Venus au Monde Pour Etre des Personnes'), envolées floydiennes et musique de films des années 70 à la Morricone  ('Pour Ce Qu'il En Restera') en un magma à la fois lourd et éthéré que des synthétiseurs antédiluviens colorent d'une patine généreuse et pourtant froide.  La durée des pistes offre le cadre bourgeonnant d'un art cataclysmique et pourtant aérien. Le duo aurait pu se prendre les pieds dans la trame de ce tapis étiré. S'il possède la puissance souterraine d'une jam hypnotique, le tout arbore une architecture parfaitement structurée, même si le terminal 'A l'Ecart des Chemins Fatigués de Nos Habitudes' s'enfonce dans les méandres déglinguées du King Crimson le plus schizophrénique. A l'arrivée, WuW n'est pas seulement une belle découverte mais la promesse de voyages sonores plus aventureux encore. Furieusement immersif, "Rien ne Nous Sera Epargné" brille d'un éclat sombre et expérimental, fusionnant musique progressive, doom, post rock et jazz en un kaléidoscope tordu et délicat aux allures de fiévreuse bande originale. (11/02/2018)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire