27 août 2018

KröniK | Mournful Congregation - The Incubus Of Karma (2018)


L'année 2018 s'annonce comme un très grand cru en matière de doom, ne serait-ce déjà que parce qu'elle marque le retour de Mournful Congregation, prêtre majeur de la sainte chapelle, après plus de six ans de diète discographique, insupportable silence seulement brisé par l'EP "Concrescence Of Sophia", long il est vrai de trente minutes. Nombre de groupes se contenteraient de cette durée mais pas les Australiens pour lesquels un album se doit d'être monumental, tant dans la forme que dans le fond. Ce qui explique à la fois leur rareté et la place qu'ils occupent dans le cœur des flagellants que nous sommes, qui attendons chacune de leurs offrandes comme un Everest funèbre. Jamais d'ailleurs ils ne nous auront fait patienter aussi longtemps entre deux manifestations funéraires.

Mais ce cinquième opus (en vingt-cinq ans de carrière !) est enfin là, prêt à être défloré avec toute l'attention et la passion quasi religieuse qu'il mérite. Premier constat, Mournful Congregation demeure fidèle à ses standards aussi quantitatifs que qualitatifs. Epousant le même patron que son prédécesseur, "The Book Of Kings", "The Incubus Of Karma" répand sa contrition sur près d'une heure et quart répartie en six pistes. Colossales, quatre d'entre elles sont des blocs pétrifiés qui oscillent  entre quinze et vingt-deux minutes au garrot. Plus son menu avance et plus ses compositions s'étirent, balisées par deux respirations plus courtes. Il s'agit tout d'abord de l'introduction instrumentale 'The Indwelling Ascent'. Si pour certains, ce type de prologue se confond avec un vain remplissage, tel n'est pas le cas pour le quatuor des antipodes qui livre là une bouleversante pièce qui vibre d'une absolue tristesse. Transie d'émotion, la plainte éponyme, elle aussi vierge de lignes vocales, permet à l'album, à mi-parcours, de marquer une pause, de remonter à la surface avant de replonger ensuite dans les profondeurs des fosses Marianne. Le cœur de "The Incubus Of Karma" bat à travers ses quatre piliers dont les fondations tentaculaires s'enfoncent dans le centre de la terre. Soutenus par le bassiste Ben Newsome et le nouveau venu et mercenaire Tim Call (Aldebaran, The Howling Wind...) à la batterie, la paire historique que composent Damon Good et Justin Hartwig continue d'explorer les arcanes granitiques d'un funeral doom death orthodoxe et pourtant ô combien envoûtant. Le chant puissamment caverneux du premier et la guitare suintant de désespoir du second creusent dans la roche des galeries qui semblent s'abîmer à l'infini dans l'encre noire d'une inexorable mélancolie. Venir à bout de ces marches funèbres massives et monolithiques aux allures de Golgotha ('Whispering Spiritscapes') s'apparente à un acte de repentance tant celles-ci se méritent, ne livrant leur richesse nichée dans les replis de leur intimité qu'au terme d'un abandon de soi. Car il y a une forme de dévotion dans l'écoute de ses psaumes hermétiques qui exsudent néanmoins une beauté lumineuse. Il faut se laisser engluer dans la toile que tisse 'Scripture Of Exaltation And Punishement' pour mesurer toute la démesure de ce doom death cyclopéen dont les lignes de guitare vous enveloppent tandis que le chant d'une profondeur à faire trembler les murs résonne comme un écho venu des limbes. Mais au bout de ce tunnel funéraire, une pâle lumière se répand peu à peu, charriant une émotion fébrile en même temps qu'un vague espoir. Tout l'art des Australiens réside dans cette manière sévère mais presque éthérée d'ériger une véritable cathédrale de douleur aux dimensions monumentales ('A Picture Of The Devouring Gloom Devouring The Sphere Of Being'). Pachydermiques, ces complaintes progressent avec une lancinance contemplative vers une issue laiteuse chargée de mystères en un long périple qui touche l'âme ('The Rubaiyat'). Avec "The Incubus Of Karma", Mournful Congregation accouche d'une œuvre gigantesque à la hauteur de son talent. Le groupe peut se rendormir, il vient de nous livrer la bande-son aussi belle que douloureuse de nos vies rongées par la peine et les regrets. (27/02/2018)


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