Oubliez
la pochette des bois qui lui sert d'écrin. Oubliez Nordvis dont il vient
enrichir le catalogue pourtant déjà bien fourni en pépites. Oui, oubliez tout
cela car "Sistere" n'est pas (tout à fait) l'album que ces indices
semblent promettre. Point de metal noir évolutif sinon pastoral à l'horizon
donc, mais une espèce de sludge atmosphérique nourri aux grains du post rock.
Ce n'est pas grave, bien au contraire. Presque dix ans après avoir émergé de la
terre hollandaise, Izah accouche enfin d'une première offrande, forcément très
attendue car annoncée par quelques préliminaires - un EP suivi d'un split avec
Fire Walk With Us - qui nous avaient mis l'eau à la bouche. Autant le dire tout
de suite, "Sistere" est à la (dé)mesure de cette attente, pavé de
plus de 72 minutes (!) au compteur malgré les quatre pistes seulement qui
l'animent. Celles-ci prennent donc leur temps, étirant leur toile d'une manière
démentielle, parfois même au-delà de la demi-heure de musique ! Il s'agit d'une
des marques de fabrique du groupe, l'amateur ne sera ainsi pas dépaysé mais il
devra toutefois s'armer de patience pour déflorer l'intimité d'un menu
pantagruélique qui ne s'offre pas dès la première fois. Loin du son en barres
aussitôt avalé, aussitôt digéré, aussitôt oublié, l'art des Bataves réclame
attention tant ses trésors se nichent dans les profondeurs de ses sombres
arcanes. Le tout conserve pourtant une fluidité admirable qui l'empêche de se
prendre les pieds dans ces longueurs dilatées. Il en faut du talent, de
l'inspiration, pour réussir sans jamais lasser ces courses de fond. Les trois
premiers titres oscillent entre onze et quinze minutes, puissantes pulsations
aussi orageuses que sinueuses où se chevauchent envolées atmosphériques
déchirantes de beauté et déflagrations noires palpitant d'une sève qui
bouillonne d'une tension rentrée. Vouloir les détailler par le menu paraît
vain, absurde car elles perdraient du coup de leur magie quasi divine. Dans
tous les cas, la formation maîtrise avec brio cette science du canevas épique
écartelé entre énergie rageuse et pureté des traits, entre lourdeur et légèreté
('Finite Horizon'). Et que dire du morceau éponyme qui boucle l'écoute,
véritable périple s'ouvrant sur de multiples paysages, montée en puissance
grandiose et quasi instrumentale, tour à tour aérienne, tumultueuse voire
presque bruitiste lors de ses dernières mesures aux confins du drone et de
l'ambient. Mais, à la lecture de ces quelques lignes, on mesure très vite
combien les mots se révèlent fades, vides, face à un tel monument d'émotions
qu'une vie entière ne suffirait pas à visiter. Tout en clair-obscur,
"Sistere" donne tout son sens à un sludge atmosphérique dont il s'impose
comme une des pièces maîtresses. 4/5 (2015)
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