Après
avoir maintenu une belle régularité, publiant chaque année depuis 1971 un
nouvel opus, les Américains mettent trois ans à offrir un successeur à
"Hotel California" (1976), long tunnel étonnant à une époque où la
plupart des groupes font preuve d'une grande productivité. En réalité, les
musiciens n'ont pas chômé pour savourer le triomphal succès de leur cinquième
offrande. Au contraire, dès 1977, ils s'enferment en studio mais il leur faudra
presque deux ans pour venir à bout du bien nommé "The Long Run",
initialement envisagé comme un double album, réduit à l'arrivée à un simple
menu d'une durée traditionnelle de quarante minutes environ. Entre ce projet
avorté et une réception tant critique que commerciale en deçà des attentes, ses
auteurs sortiront déçus de cet épisode, qui conduira à un sabordage venu trop
tôt, dès l'année suivante. Souvent occulté par son légendaire devancier, ce qui
est alors le testament des Eagles n'a pourtant pas à rougir de la comparaison
avec son aîné dont il poursuit l'évolution vers un rock (légèrement) plus dur,
moins sudiste que sur "Desperado"
mais toujours aussi sophistiqué. Si Timothy B. Schmidt vient remplacer
Randy Meisner à la basse, le batteur Don Hendley assoit son hégémonie sur le groupe,
co-signant l'ensemble des compositions, écrin délicat pour sa voix fragile plus
que jamais mise en avant et que la chanson éponyme du disque précédent a fortement
contribué à immortaliser. Quand bien même son programme n'est émaillé d'aucun
hymne à la hauteur de 'Hotel California', "The Long Run" donne
néanmoins naissance à trois singles qui se glissent alors dans les charts.
Etonnamment, ni le morceau-titre, ni 'In The City', écrit pour la bande
originale des "Guerriers de la Nuit" de Walter Hill, ni 'Heartache
Tonight', délicieux bijou d'écriture au demeurant, n'incarnent toutefois
l'apogée d'une écoute qu'aucun temps mort
ne vient grever. Ainsi, on leur préférera la lenteur chaloupée d'un
'King Of Hollywood', long de plus de six minutes, les lignes de guitares noyées
sous les effets d'un 'Those Shoes', à la rythmique par ailleurs appuyée et
portée par le chant émotionnel de Hendley, la tristesse diffuse de la ballade
terminale 'Sad Café' ou bien encore les modelés moelleux d'un 'I Can't Tell You
Why'. De fait, parfaitement équilibré et homogène, "The Long Run" ne
voit aucun de ses titres en étouffer un autre, expliquant pourquoi il est
permis de le considérer comme l'album le plus abouti du groupe. Indispensable ! 4/5 (2016)
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