11 septembre 2016

Krönik | Death - Spiritual Healing (1989)


Artiste génial et visionnaire, Chuck Schuldiner a toujours conservé un temps d'avance par rapport à ses concurrents. Ainsi, non content d'avoir (presque) inventé à lui seul le Death Metal avec "Scream Bloody Gore" puis "Leprosy", gravés respectivement en 1987 et 1988, l'Américain entraîne très vite le genre dans une voie plus technique, loin de la sauvagerie primitive, évolution incarnée par "Human", quatrième album aux allures de mètre-étalon de ce qu'on appelle alors le Techno Death, auquel Pestilence, Cynic ou Nocturnus offriront d'autres fleurons. Mais entre les débuts sanglants et baveux et cette pierre angulaire, il y a "Spiritual Healing" dont la position charnière fait de lui un pont entre les deux styles, entre la jeunesse du groupe et sa maturité. La formation, comme toujours éphémère, qui entoure ce véritable Picasso du metal de la mort se veut à juste titre révélateur de cette transition, le batteur Bill Andrews (Massacre) et le bassiste Terry Butler (futur Six Feet Under) représentant d'une certaine façon le côté plus orthodoxe de Death tandis que le guitariste virtuose James Murphy apporte au groupe une technicité alors nouvelle. Musicalement, "Spiritual Healing", qu'émaillent nombre de perles de l'acabit du titre éponyme ou de 'Defensive Personalities', permet donc à ses géniteurs d'entamer leur mue. Reprenant les choses là où "Leprosy" les a laissées, ce nouvel album s'en éloigne, en plus d'une complexité en germe, par ses atours sinon plus mélodiques (tout est relatif bien entendu), du moins souvent plus lourds ('Altering The Future'). De fait, s'il affiche une vélocité certaine, comme l'illustre par exemple 'Genetic Reconstruction',  l'opus n'est pas avare en mid-tempo vicieux, en fractures intenses, ce qu'illustre d'entrée de jeu 'Living Monstruosity' et son maillage tendu. A la linéarité brutale en vigueur sur "Scream Bloody Gore" succèdent ainsi des structures alambiquées, véritable chevauchement de strates d'une écrasante densité, à l'image de ce son hyper-compressé concocté par l'incontournable Scott Burns, le gourou des manettes dans l'antre des Morrisound Studios de Tampa. De plus, ce troisième album, à nouveau habillé d'une mémorable pochette signée (pour la dernière fois) par le mythique Ed Repka, voit son principal auteur rompre avec les thèmes sanguinolents habituels, leur préférant désormais des textes plus matures, réflexions sur le monde et la société, preuve encore une fois de l'intelligence de Chuck Schuldiner, à des années-lumière des garçons-bouchers bas du plafond auxquels le genre est souvent - à tort - associé. S'il reste des oripeaux de ses prédécesseurs (les premières mesures de 'Within The Mind'), "Spiritual Healing" fait franchir au groupe une étape supplémentaire vers une musique plus technique encore, plus belle également annonçant en cela le chef-d'œuvre à venir, "Human". 4/5 (2015)


                                   

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