En quelques mots : Tourné entre Haut
les flingues ! (Richard Benjamin [1984]) et le téléfilm Vanessa (1985) pour Steven Spielberg, Pale Rider est le troisième western mis
en scène par Clint Eastwood, après L’homme
des hautes plaines (1973) et Josey
Wales hors-la-loi (1976). Après avoir déserté les grands espaces pendant
près de neuf ans, l’acteur revient au western, à un moment où le genre est
considéré comme mort, suite au monumental échec de La porte du paradis de Michael Cimino (1980). Bien lui en a pris
car une fois encore, le film se révèle être une incontestable réussite. Plus proche de L’homme
des hautes plaines par le personnage du pasteur fantomatique (la situation
géographique inattendue des deux villes, l’une au bord d’un lac, l’autre
enneigée au pied d’une montagne est un autre point commun) que de Josey Wales, Pale Rider s’avère toutefois très
différent du premier western réalisé par Eastwood. Premièrement, ce curieux
pasteur n’est pas possédé par la haine et n’est pas plein de morgue, comme
pouvait l’être le héros de High Plains
Drifter. De plus, Pale Rider est
davantage ancré dans l’histoire américaine, par la façon dont est brossé le
portrait d’une petite communauté de chercheurs d’or en lutte contre le
capitalisme naissant. Le révérend est avant tout là pour protéger ses nouveaux
amis, même si la vengeance n’est pas absente du film avec l’introduction de
shérif Stockburn. En plus de celui de l’écologie, jamais exploité jusqu’à
présent dans la carrière du réalisateur, Pale
Rider brasse des thème chers à Eastwood. Ainsi, il campe encore une fois un
être solitaire, l’éternel figure de l’Homme sans nom venu de nulle part et qui
finit pas transformer la vie d’une communauté. Mais ce personnage se trouve ici
enrichi du fait qu’il s’agit d’un homme d’Eglise. A ce titre, le film est
rempli de symboles bibliques, à l’image des extraits des Révélations prononcés
par la jeune Megan. Cette adolescente et ses rapports avec cet étrange cavalier
constituent un des points les plus intéressants du film. La relation entre une
jeune femme découvrant l’amour et un homme plus âgé, est dépeinte avec beaucoup
de sensibilité. Il s’agit là d’un thème récurrent chez Eastwood, comme le
prouvent Les proies (1971), Breezy (1973) et plus tard
Million Dollar
Baby (2004). D’une très grande beauté plastique, déchiré entre
l’obscurité et la lumière, Pale Rider
témoigne de la maîtrise technique atteinte par Clint Eastwood, ce qui est
particulièrement évident lors du règlement de comptes final entre le pasteur et
Stockburn. Une fois les suppléants du shérif exécutés par un Clint ubiquiste,
le duel qui achève le film nous révèle enfin la signification des cicatrices
(stigmates ?) que porte dans le dos le héros. Ce n’est qu’à ce moment là
que l’on comprend qu’il s’agit du fantôme d’un homme autrefois tué par
Stockburn. Proche de L’homme
des hautes plaines donc, ce western est parcouru par nombre de références
au genre. Les longs manteaux des suppléants font penser aux cache-poussières
chers à Sergio Leone. Surtout, par son scénario, Pale Rider renvoie directement
au classique, un peu vieilli cependant, de George Stevens, L’homme des vallées perdues avec Alan Ladd, quand bien même les
deux films s’avèrent très différents l’un de l’autre. Il faut noter enfin que cet admirable western, au bord du
fantastique, permet à Clint de participer pour la première fois au festival de
Cannes. La sélection du film au plus prestigieux festival de cinéma du monde a
certainement joué un rôle important dans la reconnaissance de Clint Eastwood
comme cinéaste majeur, d’autant plus que la même année, Jean-Luc Godard,
metteur en scène emblématique de la Nouvelle Vague, lui dédie son film Détective. La France est véritablement
le premier pays à avoir reconnu son talent à sa juste valeur. Eastwood reviendra au
western avec Impitoyable en 1992, un
autre chef d’œuvre.
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