Biberonné
au hard rock des années 70 (le meilleur ?), on aurait imaginé que Tiebreaker
soit originaire de Suède, pays devenu en quelques années l'épicentre de ce
revival vintage à la mode avec son graisseux, pattes d'éph' et vestes en poil
de yéti. En fait, il a vu le jour quelque part chez le voisin norvégien, qui
lui est en revanche peu réputé pour ce style rétro. Cela pourrait ne faire aucune différence,
pourtant cette jeune pousse ne sonne pas (tout à fait) comme les Horisont,
Witchcraft et autres musiciens dont le compteur est resté bloqué il y a
quarante ans et dont on aurait pu croire qu'il en serait une resucée
supplémentaire. Certes ancré dans cette époque aussi foisonnante que fantasmée,
ce quintet a tout simplement d'autres références, même si son rock sent bon le
bitume chaud, les vans Volkswagen à fleurs et les juteuses décharges
électriques. Il suffit de jeter une oreille (mais avec les deux, c'est mieux)
sur "We Come From The Mountains", sa carte de visite, pour constater
l'écart qui existe entre lui et ses frères suédois. Aucune traînée de doom dans
ce premier album ni même vraiment du metal, mais du vieux bon rock des familles
tout court qui dégueule par tous les pores un feeling bluesy de chansons
généreuses et ramassées. On pense parfois à l'éternel Led Zep ('Trembling Son')
et d'une manière générale à la fin des sixties et au début de la décennie suivante,
quand le hard n'était pas encore un genre bien défini. Bien que par moments
assez musclés, comme en témoignent l'énervé 'The Getaway', d'ailleurs le point
d'orgue de l'écoute avec sa mélodie immédiatement accrocheuse, les traits
qu'affiche Tiebreaker se veulent donc le plus souvent assez soyeux bien que
toujours dynamiques. Cette poignée de titres aussi racés que jouissifs,
évoquent tour à tour de vastes chevauchées à travers des étendues désertiques
('Early Morning Love Affair'), l'ambiance enfumée de rades poussiéreux ('Where
Can Love Go Wrong', auréolé de teintes sudistes), le tout emballé avec une
énergie tranquille. Sans prétention, le groupe brille de mille feux lorsqu'il
se pose encore davantage, laissant l'émotion exsuder le long d'une peau tannée
par le soleil. Ainsi, c'est ce 'Walk Away' qui du haut de ses plus de six
minutes au jus, possède la dimension d'une ballade grandiose, c'est aussi ce
'Homebound' qui se déploie en deux parties dont la seconde met parfaitement en
valeur l'organe chaleureux du chanteur Thomas Espeland Karlsen. A ses côtés,
ses quatre compères moulinent une partition simple et efficace, brute et groovy
à la fois. Publié à l'origine en 2014 en auto-production, "We Come From
The Mountains" a droit à une
seconde chance, réédité et habillé pour l'occasion d'une nouvelle pochette sexy
et très réussie, patchwork d'images aux couleurs psyché, par le label Karisma
qui a eu le nez creux car il eût été dommage de passer à côté de ce galop
d'essai savoureux et inspiré, œuvre d'un groupe qui impressionne déjà par sa
classe et une effrontée maîtrise. (2015)
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