Presque une appellation d'origine contrôlée, le
hard rock vintage scandinave ne semble pas près de voir tarir sa faconde.
L'année 2016 s'annonce même comme un grand cru en la matière, entre les
rondelles respectives de Witchcraft et Spiritual Beggars. En dépit d'une aura
(pour le moment) plus confidentielle que celle de ses aînés, il faudra à coup sûr
compter également sur Brutus dont les deux premiers efforts ont su épancher la
soif, jamais rassasiée, des amoureux de ce nectar épais et gaillard au goût tenace
de revenez-y. Malgré les apparences, le groupe n'est pas
suédois mais norvégien, origine géographique que trahit un son plus granitique,
gravé dans une roche robuste. Les racines, par contre, sont identiques à celles
des voisins, qui puisent leur sève dans un socle ancien, celui des Black
Sabbath, notamment pour le chant de canard enrhumé de Nils Joakim Stenby, Deep
Purple, Blue Cheer et consorts. Bref, le cadre est connu, sans surprise sans
aucun doute, mais porteur de promesses humides de feeling, à la fois heavy et énergiques,
groovy et délicieusement psyché. "Wandering Blind" reprend les choses pile poil où
son prédécesseur, "Behind The Mountains" les a laissées il y a déjà
trois ans. Sa pochette, façon bande dessinée, est un premier contact, porte
d'entrée d'un univers qu'on devine jubilatoire, décontracté et tout simplement
cool. Avec l'assurance tranquille de musiciens qui ont le grand Hard rock
chevillé au corps, les gars enquillent les brûlots aux allures d'hymnes
instantanés, trapus mais toujours imparables. Amorce toute en rondeur, le titre
éponyme ferre ainsi l'amateur avec sa partie instrumentale du feu de Dieu où
basse grassouillette et guitare qui se déhanche, se répondent avec gourmandise, fruit de
l'accouplement sauvage entre Ritchie Blackmore et Ozzy Osbourne. Plus lents,
plus lourds bien que tout aussi jouissifs, 'Drawning' et surtout 'Axe Man'
séduisent grâce à leurs mélodies envoûtantes tavelées d'une tristesse bucolique et les interventions juteuses de la
paire de bretteurs. Du haut de ses six
minutes au jus, 'Whirlwind Of Madness' domine par sa durée le reste du menu,
pulsation qui nous renvoie à la fin des années 60, riche de ses effluves bluesy
lancinantes. Suivent trois morceaux plus rapides sinon accrocheurs quoique
toujours velus dont 'The Killer", sans doute le plus sabbathien du lot.
Retour ensuite au blues avec 'My Lonely Room' aux lignes grumeleuses avant que
l'huis ne se referme déjà sur 'Living In A Daze' dont les ultimes mesures
s'achèvent sur un solo orgasmique dans la grande et belle tradition des seventies.
D'une sereine efficacité, "Wandering Blind" est un sans faute,
collier serti de neuf joyaux d'écriture qui devrait encore davantage propulser Brutus au sommet du genre. Tout y est, les compos, l'attitude, la classe, le feeling.
Indispensable ! (2016)
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