14 avril 2016

Blaak Heat | Shifting Mirrors (2016)


Le fait que Blaak Heat (désormais sans le "Shujaa" à la fin) soit né en France avant de partir s'installer quatre ans plus tard aux Etats-Unis pourrait être un détail anodin, il révèle pourtant la soif de liberté, l'esprit d'aventure qui inspirent ce trio dont l'art s'est très tôt affranchi des carcans, des étiquettes, pour aller galoper à travers un espace ouvert, sans frontières, l'horizon dégagé. Trip psyché, stoner ou rock tout court, il n'est pas si simple de décrire une bande-son qui n'appartient déjà qu'à ses créateurs, à la fois plombée et colorée, écailleuse et gourmande. Et s'il paraît vouloir participer à ce revival seventies dont le puits semble encore loin de se tarir, ce groupe franco-américain possède un potentiel et une identité sonore capables en réalité de fédérer un public plus large que le seul cercle des suceurs de pipe à eau, quand bien même sa musique ne peut qu'évoquer les volutes embrumées de paradis artificiels. Logiquement assez vite repéré par Tee Pee Records, l'un de nos fournisseurs favoris en matière de rondelles enfumées, Blaak Heat livre avec "Shifting Mirrors" une troisième offrande pour le moins attendue, dont la prise de son a été confiée à Matt Hyde, producteur reconnu pour ses collaborations avec Slayer ou Monster Magnet. Loin de la testostérone promise par ce grand nom de la console, l'enveloppe sonore se veut au contraire (faussement) simple, laissant à chaque instrument l'espace nécessaire pour s'exprimer mais dont l'authenticité ne l'exonère cependant pas d'une vraie puissance de feu. C'est là tout le paradoxe de Blaak Heat, capable autant de nous emporter sur son dos au milieu du désert saharien ('Mola mamad Djan') que de cracher du plomb ('Ballad Of Zeta Brown'). De 'Anatolia' à Taqsim', de 'Tamazgha à 'Sword Of Hakim'', le nom des titres qui parcourent cet album, suggère un voyage lumineux à travers une géographie escarpée, aride et solitaire. Si 'The Peace Within', évoque les grandes plaines westerniennes, c'est surtout  l'orient qui est convoqué par un attirail traditionnel (sitar, darkouka) dont les notes aux arômes enivrants se mêlent à des percussions tribales, témoin ce 'The Approach To Al Mu'tasim', monumentale échappée longue de presque de sept minutes. Si un chant vient parfois mordre une trame aux lignes généreuses, "Shifting Mirrors' frappe avant tout par sa force instrumentale. Ainsi, nombre de pistes sont vierges de chant, toiles chamarrées dont les arabesques ensorcelantes sont peintes par une guitare soyeuse et pimentée que soulignent des rythmiques arabisantes, à l'image de 'Danse nomade', pièce finale d'une étourdissante virtuosité. Du visuel au jeu des musiciens, tout est impeccable dans cette galette à laquelle il parait bien difficile de résister tant on ne peut qu'être séduits par cette inspiration d'une ardeur solaire qui devrait sans aucun doute permettre à Blaak Heat d'accéder à l'étage du dessus. Du vrai desert rock à la sauce orientale. (2016)


                                     

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