Après
quasiment une décennie passée à revisiter, avec un succès commercial certain,
les chansons des autres, piochant dans le répertoire Rock ("Still The
Same... Great Rock Classics"), Jazz ("It Had To Be You : The Great
American Songbook") sans oublier les incontournables standards de Noël
("Merry Christmas, Baby"), Rod Stewart avait livré en 2013 avec
"Time" son premier album composé de titres originaux depuis l'échec
de "Human", douze ans plus tôt. Si le vétéran n'a bien entendu plus
rien à prouver, le bon accueil reçu par cette galette l'a incité à poursuivre
dans cette voie plus personnelle, celle que son public veut d'ailleurs lui voir
prendre. C'est pourquoi, malgré ses soixante-dix printemps, l'homme revient
déjà avec un nouvel opus sous le bras, le 29ème de sa carrière. Ecrit et
enregistré à la maison, "Another Country" est à prendre pour ce qu'il
est, un instantané de ce que le chanteur est aujourd'hui, dinosaure de la scène
Rock qui n'a rien perdu de sa superbe ni de son inspiration. Alors certes, ses
grandes heures sont loin désormais mais ce disque n'en demeure pas moins une
(très) agréable surprise, qui n'a pas à rougir de la comparaison avec certains
de ses devanciers des années 80 ou 90 tels que "Out Of Order" ou
"A Spanner In The Works" qu'il surclasse même franchement. Il faut
être sourd ou d'une extrême mauvaise foi pour ne pas le reconnaître. Œuvre
variée, trop peut-être et donnant en cela l'impression que le maître des lieux
a voulu butiner tous les styles qu'il aime sans chercher une ligne directrice
si ce n'est celle de se faire plaisir, "Another Country" trempe son
pinceau dans une palette aux multiples couleurs, reggae ('Love And Be Loved'),
cosy ('Batman, Superman, Spiderman'), pop (le lumineux 'Walking In The
Sunshine' que rehaussent des chœurs féminins), Rock bien sûr ('Please') et
surtout celtique, registre qui offre au menu ses plus beaux moments, tels que
'Love Is', le premier single et plus encore 'We Can Win', riche de sa mélodie
entraînante. Nostalgique, comme en témoignent 'Hold The Line' ou le chaloupé
'The Drinking Song' avec sa guitare à la Mark Knopfler, l'album n'est toutefois
pas sans défauts. Trop long, surtout dans sa version deluxe qui le voit
s'alourdir de cinq titres dispensables quoique plaisants dont on comprend
pourquoi ils figurent au rang de bonus, l'opus s'endort parfois le temps de
ballades, certaines réussies ('Another Country'), d'autres moins car quelque
peu soporifiques à l'image de 'A Friend For Life' ou 'Way Back Home' et 'Can We
Say Home Tonight'. Mais, bien entouré par de solides musiciens, il y a Rod dont
la voix intacte et magique est capable de sauver n'importe quelle chanson de la
banalité, sinon de l'ennui. A lui seul, il rend l'écoute toujours agréable à
défaut d'être inoubliable. Inégal mais fort d'une poignée de belles
compositions, aux accents celtiques parfois, "Another Country" est le
précieux signe de vie de la part d'un artiste encore vert qui se paye même le
luxe d'enfanter sans doute son meilleur disque depuis "Vagabond
Heart" ! (2015)
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