19 juin 2023

KröniK | Spiritus Mortis - The Great Seal (2022)




Vétéran de la chapelle doom finlandaise au sein de laquelle il prêche depuis 1987, Spiritus Mortis a pourtant dû attendre dix-sept ans (!) pour donner naissance à son premier album et encore cinq années supplémentaires pour trouver la pièce maîtresse qui manquait à son art en la personne du chanteur Sami Hynninen, plus connu sous le nom de Albert Witchfinder quand il officiait au sein du cultissime Reverend Bizarre. Avec ce dernier, le groupe enfante ses deux plus belles hosties : The God Behind The God (2009) puis The Year Is One (2016). Nonobstant le talent des autres musiciens dont le guitariste Jussi Maijala, dernier membre historique avec son frangin et bassiste Teemu, force est de reconnaître que l'embauche de Hynninen ne fut pas étrangère à cette hausse qualitative. Laquelle ne s'est pas pour autant doublée d'un rendement accru, les Finlandais ne s'étant toujours pas décidé à augmenter les cadences d'enregistrement. Plus préoccupant, le chanteur les a depuis quittés, formant au passage Friends Of Hell avec entre autres l'ancien Sentenced Taneli Jarva. Si nous nous doutions qu'il ne s'immobiliserait sans doute pas jusqu'à la fin de sa carrière au sein de Spiritus Mortis, son départ n'en reste pas moins une déception. Combien d'autres grands disques ne verront jamais le jour ? Pour autant, le quintet d'Alavus lui survit et poursuit donc son chemin. A son rythme. Kimmo Perämäki a la lourde tâche de remplacer la légende du doom finlandais. Obscur, son pedigree plus typé heavy metal que doloriste annonce les couleurs que "The Great Seal" dressera, offrande par conséquent moins tellurique et tout simplement plus rock quoique toujours généreuse en plomb. On parle quand même toujours de doom ! 

Cela fait-il cependant de ce cinquième effort une mauvaise galette ? Bien sûr que non, même si, osons l'avouer, sa première écoute chagrine quelque peu, confirmant le rôle essentiel qu'assurait le démissionnaire. Il semble ainsi manquer à cet album cette démesure voire cette folie que Sami injectait par sa présence charismatique. Le résultat paraît tout d'abord quelconque comme si les Finlandais se retrouvaient brusquement à l'étroit tandis que le chant de la nouvelle recrue agace par son lyrisme haut perché, rappelant un peu le Candlemass de l'époque Chapter VI ('Puputan'). Les écoutes aidant, The Great Seal finit toutefois par se dévoiler dans toute sa sombre beauté, libérant par petites touches pointillistes ses trésors enfouis dans ses caveaux. Le groupe n'a rien perdu de sa science du riff d'airain ni de ces mélodies ciselées au burin. Trapu, chaque titre conserve une efficacité massive, coulé dans le creuset d'un doom désormais plus heavy que sentencieux, nourri de cette sève lyrique sinon emphatique inoculé par Kimmo Perämäki. Souvent flamboyantes mais toujours écrasantes, les guitares irriguent ces processions qu'elles labourent avec puissance ('Death's Charioteer') et émotions (le sabbathien 'Feast Of The Lord', assurément le point G du programme). Sans se départir de sa croûte rocailleuse ni parfois d'une lenteur toute funéraire (le terminal 'Are You A Witch'), l'art que sculptent les Scandinaves n'en surprend pas moins par ses atours franchement mélodiques ('Kristovovery') voire carrément hard ('Martydom Operation'). Porté par une écriture aussi précise que rutilante, associée à une exécution d'orfèvres, The Great Seal éblouit par la force traditionnelle d'une expression désormais moins ténébreuse bien que tout aussi grandiose. Spiritus Mortis a tourné la page de l'ancien Reverend Bizarre avec une réussite incontestable quoique moins mémorable assurément. (24.07.2022 | MW) ⍖⍖⍖
 

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