18 mars 2023

KröniK | Madder Mortem - Deadlands (2002)




Bien qu’intéressant et portant déjà en lui – on s’en rend compte à présent – les germes de l’évolution stylistique empruntée par le groupe, All Flesh Is Grace ne nous avait pas vraiment séduit. Mais sans doute fallait-il cette œuvre de transition entre le doom du début et le dark metal étouffant et apocalyptique d’aujourd’hui pour accoucher de ce troisième opus absolument fabuleux. La pochette, laide dans le bon sens du terme, aurait dû nous alerter quant à la teneur de Deadlands, dont le nom se révèle parfaitement adapté lui aussi. Madder Mortem est devenu un monstre ; sa musique a gagné une intensité que l’on ne soupçonnait pas (bien que Mercury n’en était pas dépourvu). Si le style des Norvégiens se reconnaît dès les premières mesures, surtout grâce au chant suintant de mélancolie, poignant mais pas toujours très mélodique et qui ne ressemble à aucun autre (en cela, on aurait tort de rattacher la formation, comme certains n’ont malheureusement pas pu s’empêcher de le faire, à toute la vague du metal à chanteuse, ce qui est d’une absurdité, d’une ineptie totales) de la puissante Agnete, leur art n’a pourtant jamais été aussi lourd, aussi suffocant. Aussi beau, aussi. Les guitares, la rythmique renvoient parfois à Meshuggah, mais les atmosphères poisseuses et hantées que le groupe dépeint les rattachent à la musique la plus dépressive, la plus désespérée qui soit. 

On ne ressort pas indemne d’un tel album car il ravive des plaies profondes ; il meurtrit l’âme autant que le cœur. Néanmoins, si elles semblent écrasée par le sceau de la fatalité, ces longues complaintes que des riffs plombés tirent vers la noirceur la plus absolue, aux multiples strates labyrinthiques, hypnotiques et tristes, finissent par envoûter autant qu’elles plongent tout ce qui les entourent dans un malaise palpable, dans une nuit sans fin. Deadlands forme un bloc drapé par la grisaille, qu’il est donc préférable de ne pas fracturer, quand bien même certains titres laissent une empreinte plus forte. On pense notamment aux terribles « Necropol Lit », « Rust Cleasing », « Jigsaw », « Deadlands » et surtout au gigantesque « Resonatine », qui vibre d’une douloureuse résignation et vous pousse vers la tombe. De part sa position en fin de parcours, il ne pourra qu’achever ceux qui décidé de suivre ses pourvoyeurs en spleen, et justifie à lui seul l’achat de l’album tout comme il s’impose comme la plus grande réussite du groupe. En trouvant sa voie, Madder Mortem est parvenu à forger une musique unique qui n’appartient qu’à ses auteurs ; une musique qui mêle le beau et le laid, la puissance et l’agonie ; mais qui demeure toujours glaciale, désincarnée et d’un désespoir sans issue. Difficile à suivre, elle risque d’en laisser plus d’un sur le bord de la route… (26.10.2007) ⍖⍖⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire