23 novembre 2022

KröniK | Venom Prison - Erebos (2022)




Surgi il y a maintenant huit ans, Venom Prison incarne, aux côtés de Employed To Serve le renouveau du death metal anglais, mais pas seulement. S’il peut sembler paradoxal sinon étonnant que ce sang neuf émane de formations emmenées par une chanteuse, c’est oublier que la gent masculine n’a plus le monopole de la brutalité, couronne que le sexe (plus si) faible lui a depuis longtemps ravi. Que ces groupes voient bien souvent dans leur veine couler la sève teigneuse et vindicative du hardcore participe en outre d’une rudesse épidermique accrue et enracinée dans notre époque. Trois méfaits, Animus, Samsara et Primeval, vomis entre 2016 et 2020, ont assis la renommée grandissante de ces Gallois que Century Media vient de piquer à Prosthetic Records, furieux label américain où ils étaient pourtant comme à la maison. Gageons que l’écurie allemande leur permettra certainement de toucher un public plus large que celui qu’ils ont capté jusqu’à présent, plutôt circonscrit au metalcore voire au grind. Nombreux seront ainsi ceux à les découvrir avec Erebos. Quoi de mieux d’ailleurs que ce quatrième effort pour cela ? En une cinquantaine de minutes, celui-ci expose idéalement la signature des Anglais, équilibre remarquable entre férocité et mélodie. Contre toute attente, la première est incarnée par Larissa Stupar dont les éructations crasseuses gonflées d’une bile caverneuse font passer les borborygmes de la matricielle Angela Gossow (Arch Enemy) pour d’aimables roucoulades (‘Gorgon Sisters’). La seconde s’écoule de ces guitares généralement biberonnées au heavy metal dans la grande et belle tradition suédoise des In Flames et autres At The Gates. 

Il suffit de se prendre en pleine face un missile de l’acabit de ‘Veil Of Night’ pour cerner cette personnalité toute en ambivalence, rageuse et lumineuse, d’une noirceur menaçante conjuguée à des atmosphères néanmoins envoûtantes. De fait, tout du long écartelé entre âpreté et clarté, Erebos procure autant de plaisir que de nausée, perception inconfortable que renforce l’extrême densité d’un menu au maillage intense à la manière d’un étau colérique. L’implacable habileté technique des musiciens, que n’effraient pas les structures et tubulures complexes, rend cette agression plus sévère et épuisante encore. Mais lorsque jaillit le salvateur 'Pain Of Oizys', à l’émotion douloureuse à fleur de peau, qui illustre que Larissa maîtrise autant le chant clair que les vociférations de bête en rut, on ne peut qu’être cueilli par cette beauté aussi désespérée qu’inattendue que soulignent guitares et arrangements délicats. Positionnée à mi-parcours, cette chanson offre une respiration, que ses auteurs ne peuvent toutefois s’empêcher de noircir subrepticement, avant l’équarrissage en règle que poursuivent 'Golden Apples Of The Hesperides' et ses successeurs. Si sa rareté lui confère toute sa valeur, toute sa force, il n’en demeure pas moins que ce registre (faussement) tempéré sied parfaitement aux Anglais qui seraient inspirés de le cultiver davantage. Mais vidé de sa rage brutale, Venom Poison ne serait pas ce qu’il est… Reste que Erebos ouvre idéalement une porte sur ce groupe extrêmement talentueux dont la bitumeuse pugnacité s’enchevêtre, au sein d’un ensemble techniquement alambiqué, à de surprenants kystes mélodiques. (07.02.2022 | MW) ⍖⍖

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire