6 décembre 2021

KröniK | Cross Vault - As Strangers We Depart (2021)




Le doom se doit de conserver une forte dimension émotionnelle, principe que Cross Vault n'oublie pas, à la fois héritier d'une longue tradition germanique de la douleur, celle de Mirror Of Deception ou de Dawn Of Winter mais aussi bâtisseur d'un pont avec la mélancolie suédoise d'un Minotauri et, plus étonnant, la grandeur épique du Bathory viking. Dommage dès lors que la lenteur de leur art soit égale à celle de leur créativité. Deux premières pierres à son édifice posées en 2014 (Spectres Of Revocable Loss) et 2015 (The All-Consuming), suivies rapidement d'un très bel EP (Miles To Take) qui a vu le groupe quitter Northern Silence pour Iron Bonehead productions et surtout renouveler son line-up avant que ce dernier ne se mure malheureusement dans un silence de tombe. Au point de croire qu'il s'est tue à tout jamais.

Le fait que ses membres prennent part à de nombreux autres projets, Horn pour le chanteur ou Angel Of Damnation pour la section rythmique, explique peut-être la rareté de sa semence. A moins que ces cinq années d'abstinence correspondent au temps nécessaire pour dompter la déesse doom et porter à maturation la musique que le groupe a dans le cœur, dans l'âme. Et dans les tripes. Mais ce troisième album est enfin là, confirmant que cette interminable attente ne fut pas vaine. Bien au contraire. En un seul titre, ce 'Golden Mending', inaugural et fondateur, Cross Vault efface sa longue absence et nous rappelle surtout, comme souligné plus haut, combien le doom le plus le poignant est aussi celui qui se drape dans le suaire de la tragédie. 

Le chant bouleversant de Nerrath ferre d'emblée le pèlerin, puissant arc-boutant d'une église abritant toute la détresse accumulée par une vie de souffrance. A lui seul le chanteur suffit à nous tirer des larmes tant ses lignes vocales, déchirantes d'émotion, forment le tertre d'une faute impardonnable. Mais réduire la force dramatique des Allemands à son unique personne serait injuste pour ses comparses qui participent eux aussi à l'érection de ce mausolée, notamment les guitaristes dont les riffs sont sculptés dans le marbre d'un caveau majestueux ('Other Rivers'). Car plus que jamais, Cross Vault réussit la synthèse parfaite entre les atmosphères héroïques chères à Quorton quand il enfantait Hammerheart et Twilight Of The Gods (témoins 'The Unknown Rewinds' ou les instrumentaux 'Ravines' et 'Silent Wastes Untrod') et la beauté sentencieuse d'un doom aux accents funèbres ('Gods Left Unsung'). 

Comme son titre le suggère, ce retable en sept parties évoque les funérailles de temps reculés, ces dépouilles de héros dérivant sur un drakkar en feu, ainsi que le deuil vécu au départ d'un être proche. En cela, le successeur de The All-Consuming honore le doom le plus pur, meurtri dans sa chair et résonnant comme une invite à la componction. Cross Vault livre avec As Strangers We Depart un joyau d'une noble gravité, album qui fera date dans l'histoire du genre. (24.04.2021 | LHN) ⍖⍖⍖

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