3 octobre 2021

KröniK | King Crimson - Live In Mainz, 1974 / Live In Asbury Park, 1974 (2006)




Ce premier volet du Collectable King Crimson, série de lives initiée par le label de Robert Fripp, DGM, lequel s’est donné pour mission – qu’il remplit, il faut le préciser, toujours avec passion et talent – à exhumer de la tombe tous les enregistrements lives du dinosaure anglais du rock progressif, réunit en réalité deux concerts différents, celui donné à Mayence, l’autre à Asbury Park en 1974 durant la même tournée. De fait, les deux disques qui le composent sont à la fois proches et complémentaires. Proches car les magnifiques ” Exiles “, ” Starless “, ” Lament ” et ” Easy Money ” sont doublement représentés, dans des versions assez similaires qui plus est ; proches car cette configuration de King Crimson, une des meilleures, avec notamment John Wetton au chant et à la basse et Bill Bruford derrière les fûts, se caractérise, entre autres, par la grande homogénéité qui la gouvernait. Complémentaires car aucun concert du Roi Cramoisi n’est jamais réellement identique. Capturé le 30 mars, Live In Mainz ne débute pas de manière conventionnelle, avec trois inédits aux allures d’improvisations. Il faut attendre le bouleversant ” Exiles “, d’où s’échappe un fluide émotionnel qui touche le coeur en pleine cible, pour avoir enfin une balise à laquelle se raccrocher. S’en suit une nouvelle et longue improvisation, ” Atria “, voyage instrumental qui porte le sceau du génie créatif d’un groupe alors à l’apogée de son inspiration. Lui succède le très beau ” Night Watch “, illuminé par le timbre empli de tristesse de John Wetton, sentiment qui constitue le fil rouge de cette prestation, comme le démontrent le gigantesque ” Starless “, pulsation démentielle fissurée par le jeu sombre du maître Robert Fripp ainsi que le dernier inédit, ” Trio “, dérive diaphane soulignée par le violon de David Cross, cependant que le possédé ” Lament ” (comme ” Fracture ” sur le disque suivant) permet aux musiciens d’ouvrir les vannes d’une folie prolifératrice. Le tout s’achève sur ” Easy Money “, malheureusement légèrement tronqué dans sa conclusion. 

Passé une courte intro, le (quasi) frère jumeau rentre dans le vif du sujet avec la seconde partie de ” Larks’Tongue In Aspic “, dérive acide au goût de soufre. Comme le premier volet, Live In Asbury Park ne fait pas un tour complet du propriétaire ; il ne revisite que les trois albums gravés par l’ultime et explosif line-up avant la mise en sommeil du groupe, Lark’s Tongue In Aspic donc (et surtout !), Starless And Bible Black et Red (publié un peu plus tard dans l’année). On peut le regretter, aussi remarquables soient ces opus. Point de In The Wake Of Poseidon, de Lizard ou de Islands, tandis que le référentiel In The Court Of The Crimson King se voit réduit au déraillé ” 21st Century Schizoid Man “. S’il semble fastidieux et vain de comparer les deux performances présentées ici, il convient toutefois de reconnaître que cette double ration fait un peu redondance avec le Night Watch live 1973, publié en 1996, à la setlist assez similaire. De fait, ce volume inaugural de cette collection ne s’adresse qu’aux inconditionnels de King Crimson. Il n’en reste pas moins un témoignage passionnant de l’apogée d’un groupe guidé par une totale liberté pour qui les concerts, à l’instar de bien d’autres formations de la même époque, ont quelque chose d’une rampe de lancement propice à toutes formes d’explorations sonores. La scène est un espace où tout peut arriver. L’instrumental ” Asbury Park “, labyrinthe qui voit les musiciens plus de dix minutes durant, s’aventurer à travers des contrées marécageuses et non balisées, en constitue la preuve la plus évidente. Louons Robert Fripp pour son travail d’archéologue en espérant rapidement un second volume de ces archives aux milles trésors, dont on a, par le passé, déjà pu goûter les richesses. (15/12/07) ⍖⍖⍖

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