S’il est vrai que le cœur du Roi Cramoisi bat aujourd’hui surtout grâce à l’activité du label DGM qui abreuve régulièrement les bacs des disquaires de lives, des recherches des ProjeKcts et autres compilations, il n’en demeure pas moins que le groupe existe toujours ; il continue à sortir des albums, certes moins fréquemment que durant son apogée des années 70, et à se produire sur scène. Par rapport à ses deux prédécesseurs, Thrak et The ConstruKction Of Light, ce troisième opus depuis sa résurrection au milieu des nineties se veut presque accessible. Le roi s’est assagi. N’allez pas croire cependant que le souverain a remisé au fond d’une geôle ses pulsations frénétiques et biscornues ; le sang du pur Crimson coule bien dans les veines de ce Power To Believe qui illustre plus que jamais la schizophrénie de ses géniteurs, entre, d’un côté des titres accrocheurs et mélodiques, aériens et presque insaisissables par moment, œuvre de l’ange blanc Adrian Belew, et de l’autre, des plongées instrumentales inquiétantes et envoûtantes à la fois, dues au cerveau halluciné de l’ange noir Robert Fripp et dont les ténébreuses émanations sont à même de vous vriller l’âme. Depuis le matriciel In The Court Of The Crimson King, cette alternance se vérifie à chaque fois, mais elle prend ici encore une fois toute sa (dé)mesure.
Coincés entre de cours intermèdes qui progressent par étape (un peu comme sur In The Wake Of Poseidon), des bulles d’air telles que “ Eyes Wide Open ”, le néanmoins déjanté “ Facts Of Life ”, qui a quelque chose d’un combat entre la lumière (le chant) et les abysses (les guitares, vecteurs d’une gangrène prolifératrice), le délirant “ Happy With What You Have To Be Happy With ” ou “ The Power To Believe II ”, d’une beauté à couper le souffle, avoisinent de fait avec les monstrueux “ Level Five ”, “ Elektrik ” et la gigantesque montée en puissance “ Dangereous Curves ” et sa section rythmique du feu de dieu qui s’achève en cacophonie infernale. Ce qu’il y a de remarquable avec ce groupe, c’est sa faculté, plus de 35 ans après ses premiers pas, à toujours proposer du nouveau, à travailler son art quand la plupart des autres dinosaures se contentent bien souvent, de livrer au mieux d’honorables albums qui n’apportent toutefois rien de plus à leur carrière, au pire d’indignes bouses qui ternissent leur légende. Rien de tout cela avec le gang de Robert Fripp, toujours bien entouré, outre Belew, de Trey Gunn et Pat Mastelloto. Mieux, avec The Power To Believe, King Crimson vient sinon de livrer sa meilleure œuvre depuis Red (1974) du moins certainement la plus metal, à même de fédérer un public assez vaste là où Thrak et The ConstruKction Of Light en avaient laissé plus d’un sur le bord de la route. Enorme et unique ! (2008) ⍖⍖⍖⍖
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