Au risque de se répéter chaque fois que l'on se penche sur son travail, il semble quand même important de préciser que Ixion tient depuis toujours une place vraiment à part au sein de la scène doom (death) hexagonale (mais pas que), qu'il arpente avec un sens des atmosphères cotonneuses et un goût pour les effluves électroniques qui n'appartiennent qu'à lui. Alors qu'il serait tentant de le rapprocher d'un Monolithe ou d'un Esoteric basé de l'autre côté de la Manche, entités avec lesquelles il partage une dimension cosmique similaire, son approche du genre ne noue en réalité que bien peu de liens avec celle de ses aînés. Si depuis To The Void, son premier vol (in)habité, nous sommes familiers du tandem que forment Julien Prat, le principal ordonnateur, et Yannick Dally, le fait est que sa signature évolue, demeure mouvante et nous surprend à chaque fois. Contrairement à sa valeur, quant à elle immuable d'un ouvrage à l'autre. Après L'Enfant de la Nuit (2015) et Return (2017), opus plus célestes que crépusculaires, L'Adieu aux Etoiles voit ses créateurs renouer avec une forme d'expression plus sombre quoique toujours aussi astrale. Tout simplement plus doom, comme l'illustre 'Stellar Crown', sa rampe de lancement vers un trou noir. Chant abyssal, guitares granuleuses, myriades de sons étranges presque fantomatiques définissent cette complainte dont la noirceur se dilue cependant dans un voile diaphane et des chœurs aériens. A ce titre, il convient de souligner la large palette vocale à laquelle les Français ont recours, tour à tour caverneuse et délicate, conférant à ces compositions des allures de fusain épais ou de pastel spectral.
Mais il ne s'agit pas là du seul point fort de ce quatrième album qui, à l'instar de ses devanciers, s'articule sur une écriture finement élaborée, faisant de ces pistes des bijoux d'ambiances et de progression. A leur écoute, on devine que, bâties comme un récit, elles sont le fruit d'un lent et réfléchi processus, étapes successives d'un voyage intérieur. Ixion excelle à tricoter des mélodies limpides, presque insaisissables et qui dessinent pourtant dans la mémoire de durables stigmates, à l'image notamment de 'Progeny' et de 'The Black Veil' dont la beauté hantée distille un fascinant pouvoir d'évocation. Comme toujours avec le groupe, une impression de sérénité se dégage d'un menu qui s'écoule à la manière d'une élévation limpide, lancinante dérive à travers l'immensité du cosmos que le duo caresse avec une poésie teintée d'étrangeté sinon de mystères. Plus que ses prédécesseurs, "L'Adieu aux Etoiles" insiste à la fois sur le caractère spatial et la sève mélancolique d’Ixion qu'il souligne par de sombres nappes ambient ('Farewell') et une partition qui bourgeonne de sonorités parfois liturgiques ('The Great Achievement'), d'une froide et entêtante tessiture le plus souvent ('Pulsing Worlds'). Julien Prat use ainsi d'une panoplie électronique vaste et profonde comme le cosmos. Dévidant la trame d'une aventure stellaire, L'Adieu aux Etoiles forge un doom death atmosphérique dont la délicatesse de touches et la texture presque désincarnée lui permettent pourtant de s'affranchir du genre. Là réside la particularité d'Ixion dont le style demeure insaisissable. Souhaitons néanmoins que le nom de ce quatrième album n'annonce pas comme un adieu définitif... (25.10.2020 | MW) ⍖⍖
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