6 octobre 2020

CinéZone | Jean Negulesco - La femmes aux cigarettes (1948)






Alors que les films noirs produits par la Fox s'enracinent généralement dans un réalisme urbain (Le carrefour de la mort, La dernière rafale), La femme aux cigarettes est tourné en studio et stationne son récit dans une petite ville provinciale américaine, située non loin de la frontière canadienne. Les décors, ceux du roadhouse (d'où le titre original) ou du chalet, n'en jouent pas moins un rôle déterminant car entre leurs quatre murs ou au milieu d'une nature presque fantasmagorique, les passions et le drame vont s'exacerber.  Oeuvre de commande, Jean Negulesco rappelle que, décidément, le noir lui sied davantage que le rose. On ne se souvient ainsi guère de ses comédies - à l'exception de Comment épouser un millionnaire avec Marilyn Monroe - contrairement  aux mémorables polars que sont Le masque de Dimitrios (1944), Les conspirateurs (1944) ou dans un genre plus dramatique, Johnny Belinda (1948) voire son Titanic (1953) de bonne tenue. De fait, sa filmographie, quoiqu' inégale et jonchée de navets, mérite mieux que les railleries dont sont coutumiers de paresseux critiques.




Tirant profit du savoir-faire conjoint du monteur James B. Clark (Qu'elle était verte ma vallée, Péché mortel...) et du directeur de la photo Joseph LaShelle (Laura), Negulesco parvient à extraire d'un matériau classique la moelle d'un grand film noir qui joue  avec intelligence des codes du genre  (le cabaret, la femme fatale..). Ida Lupino compose avec son singulier charisme un personnage de femme indépendante dont l'ambiguïté s'écaille peu à peu au contact  de son amant campé par un Cornel Wilde qui manque toute de même de vigueur. Entre les deux, Richard Widmark peaufine son rôle de psychopathe en mode paroxysmique, enfant gâté qui croit pouvoir acheter une femme et posséder les gens comme des marionnettes à son service. Malgré sa folie qui culmine lors d'une dernière partie machiavélique, on ne peut s'empêcher de ressentir de la sympathie pour ce Jefty, manipulateur jaloux dont le seul ami lui vole la femme qu'il aime. Comme c'est souvent le cas, le "méchant" est plus réussi et complexe sinon attachant que le héros et quand en plus, c'est Widmark, avec son ricanement de hyène inimitable, qui l'incarne, le bon gars ne peut de toute façon que faire pale figure... (vu le 04.08.2020) ⍖⍖⍖

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