Découvert en 2018 au détour d'une alliance scellée avec Verfallen et Hyrgal pour le compte des Acteurs de l'Ombre, Bâ'a est une entité derrière laquelle se cachent trois âmes issues de la chapelle noire hexagonale. La défloration attentive de "Deux Qui Non Mentitur" ne laisse pour autant que peu de doutes quant à l'identité du chanteur de cette hostie. Cette voix écorchée, meurtrie, ne peut être que celle du grand RMS Hreidmarr dont on n'applaudit le retour aux affaires entre Glaciation, Baise Ma Hache et Bâ'a qui tous, publient une nouvelle offrande à quelques semaines d'intervalles. Trois projets, trois approches du black metal pour le moins contrastées si ce n'est opposées mais une sincérité couplée à une exigence identiques, quand bien même son implication dans chacun de ces groupes diffère de l'un à l'autre.
Quoique prometteuse, sa contribution au split cité plus haut n'augurait pourtant pas d'une telle réussite, d'une telle claque dans la gueule. Car autant l'affirmer de suite, ce premier effort longue durée de Bâ'a se révèle en tout point magistral. Son format trapu - quatre rosaires qui oscillent entre six et dix minutes au garrot qu'encadrent deux courts instrumentaux - lui confère une tension souterraine, chapelet intense dressé dans la nuit. Contrairement à "Ultime éclat" de Glaciation avec lequel il partage néanmoins une même révérence pour un glorieux passé, "Deus Qui Non Mentitur" arbore des traits plus directs sinon plus classiques bien que torrentueux, à l'image d'Un bûcher pour piédestal', envolée épique suivant un tracé sinueux où la vélocité la plus débridée s'accouple au désespoir le plus déchirant, culminant lors d'un final aux allures de sarabande funèbre dont la sève dramatique bouleverse. Hreidmarr y crache ses tripes comme si demain ne devait plus exister.
Pleine de lustre et de rage, sa performance impressionne tout du long mais trouve dans cette monumentale 'Procession' le fourreau le plus terrifiant. Et donc le plus beau. Percé par des samples qui récitent de larges versets de l'Evangile selon Saint Jean, ce titre aboutit à un résultat grandiose et puissamment mystique dont la dizaine de minutes justifient à elles seules l'écoute de cette œuvre belle et sévère qui, marquée dans sa chair et dans son âme, questionne la religion et le divin d'une façon viscérale et presque intime. Ces interrogations sur Dieu et la foi sont coulées dans le creuset d'un black metal abrupt et fougueux tout ensemble, ce dont témoignent ce 'Titan' lacéré de riffs grésillants ou bien 'Des profondeurs je crie' dont l'éclat sombrement mélodique renvoie à une certaine tradition française de l'art noir.
Ténébreux et intense, "Deux Qui Non Mentitur" est un chemin de croix exalté, foudroyant dans sa richesse d'écriture, personnel dans son rapport à la religion, illustrant si besoin en est, la vigueur intacte de la scène black metal nationale. (11.04.2020 | LHN) ⍖⍖⍖
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