29 mars 2020

Regarde Les Hommes Tomber | Ascension (2020)




Deux offrandes auront suffi aux Nantais pour se tailler un nom au sein de la chapelle noire hexagonale (mais pas que). Si, au départ, le fait de compter dans ses rangs le chanteur d'Otargos, Ulrich, parti depuis besogner son projet Volker, lui a permis d'être immédiatement remarqué, Regarde Les Hommes Tomber a surtout su très tôt affirmer une personnalité bien particulière, que le premier album a commencé à esquisser et que le second a établi durablement, entre black metal, sludge et post-hardcore. Invité à jouer dans de prestigieux festivals, tels que le Hellfest ou le Roadburn, empilant les concerts par palettes entières, domaine où il se montre d'ailleurs particulièrement à son avantage, le groupe s'est éloigné des studios d'enregistrement, raison pour laquelle cinq années séparent "Ascension" d’ "Exile", son prédécesseur. Ce troisième effort était fortement attendu, guetté par tous ceux que ce mélange de puissance sévère et de noirceur noueuse a séduit. A juste titre. Dernier chapitre d'une trilogie, cet opus épouse le même format que ses devanciers, aussi bien visuel (que signe le duo Førtifem) architectural (sept compositions dont un prologue et un intermède instrumentaux) que thématique (la Bible comme combustible), ce qui participe à cette identité singulière. Plus encore que ses aînés, "Ascension" réussit à agréger toutes les forces qui travaillent de l’intérieur cet art à la fois tendu et bourgeonnant, fruit des multiples influences de ses créateurs. Il en résulte un bloc robuste creusé dans la roche abrupte d'un black metal sinueux et dont les fondations grondent sous les pesants coups de boutoir d'un doom sludge aussi organique qu'apocalyptique.



Charnues et étirées, ces compostions s'étalent dans toute leur ambivalence, s'engouffrant dans les profondeurs de boyaux tentaculaires que transpercent néanmoins des puits de beauté. Galopant sur un territoire meurtri, chaque titre respire, se déploie comme un retable gigantesque, emporté par les rouleaux d'une batterie colérique ('The Crowning'). Guitares tour à tour pointillistes ou visqueuses et chant biberonné au Destop qui pulse d'une rage primitive alimentent une dramaturgie austère et pourtant aérienne, témoin ce 'Stellar Cross' aux allures de Golgotha crépusculaire. Désormais totalement intégré, Thomas coule ses vocalises écorchées dans ce cratère tellurique d'où jaillit un magma puissamment rugueux ('Au bord du gouffre' que lacèrent des six-cordes polluées comme un scalpel rouillé avant de mourir dans un fracas déchaîné). Les thèmes bibliques commandent encore une fois une expression grave et tortueuse, tout du long écrasée par une faute originelle. Trouvant le juste milieu entre la fureur du black, la force atavique du sludge et l'élan désespéré du post rock en une formule idéalement équilibrée, cette troisième hostie confirme l'ascension de Regarde Les Hommes Tomber vers des cieux divins. S'agissant du dernier volet d'un corpus de trois albums, nous sommes curieux de voir dans quelle direction le groupe va tendre. Va-t-il démarrer une nouvelle trilogie ? Va-t-il refonder sa signature et explorer d'autres sujets ? Dans tous les cas, son avenir s'annonce passionnant. (26.01.2020 | Music Waves)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire