Si
Electric Moon, son principal port d'attache, connait une activité scénique
relativement soutenue, en attestent ses nombreux lives dont le nombre dépasse
celui de ses enregistrements studio, Sula Bassana se fait en revanche beaucoup
plus rare sur scène dans le cadre de sa carrière solo. Le concert qu'il a
offert le 11 avril 2014 pour le Roadburn, festival devenu en quelques années le
pèlerinage obligé pour tous les amateurs de musique plombée ou psyché (mais pas
que) fut donc un évènement, performance précieuse qu'il eut été criminel de ne
pas capturer. Comme son nom l'indique, ce premier live du Teuton en constitue
le complet témoignage. Pour l'occasion, le bonhomme s'est entouré de trois
musiciens qu'il n'a pas eu à chercher trop loin. Sans surprises, on trouve
autour de lui la fidèle Komet Lulu (basse), le batteur Marcus Schnitzler et à
la seconde guitare, Rainer Neef soit le line-up actuel d'Electric Moon et une
moitié de Zone Six. Le menu s'articule autour de quatre pistes qui ne
surprendront pas les aficionados du multi-instrumentiste, tant sa patte
reconnaissable entre mille, cosmique et fuzzy, déborde sur chacune d'entre
elles. Le terrain est connu mais l'orgasme est là, prêt à jaillir à tout
instant, à chaque éruption de cette guitare généreuse noyée sous les effets, à
chaque note de synthétiseurs aux couleurs d'un Mellotron antédiluvien. Amorce
démentielle, 'Rainstorm' se veut à la fois spatial et groovy, envolée
puissamment hypnotique où le maître de maison s'en donne à coeur joie, faisant
cracher de sa guitare des effluves nébuleuses sur fond de rythmique tout en
rondeur. On décolle déjà très haut, emporté par un tourbillon psyché que rien
ne semble vouloir stopper. 'D-Light', qui lui succède, laisse infuser les
influences arabisantes auxquelles nous a souvent habitués Sula, progression
tranquille qui sent bon la pipe à eau. Mais le gros morceau (à tous points de
vue) est incarné par 'Dark Days', dont les dimensions monumentales - et
beaucoup plus imposantes qu'en studio - sonnent comme la promesse d'un voyage
coloré vers des paradis artificiels. Du haut de ses 18 minutes au garrot, il
est une véritable rampe de lancement, propice à d'interminables arabesques
comme à la grande époque, celle des lives où tout pouvait arriver, où chaque
titre servait de terreau à un fleurissement aussi fertile qu'halluciné. Perry
Rhodan d'un space rock enfumé, le guitariste nous entraîne dans un périple
cotonneux où copulent en une partouze astrale six cordes extra-terrestre et
claviers hantés. Après une telle apothéose, le bien nommé 'Alienfuzz' ne peut
soutenir la comparaison, titre le plus court du lot, mais reste par ses modelés
chamarrés un exemple typique de ce rock psyché duveteux. Moins culte que son
homonyme signé Earthless, ce "Live At Roadburn" n'en est moins
indispensable pour qui aime Sula Bassana et toute sa famille de musiciens
shootés au krautrock. (2015)
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