23 mars 2016

Space Invaders | Dreadnought (2015)


L'année 2015 restera comme un grand cru en matière de krautrock et de space rock grâce aux explorations sonores de Zone Six ("Love Monster") et surtout de Cosmic Ground ("II"). Que Space Invaders vienne compléter ce tiercé n'est pas très surprenant car ce groupe incarne à lui seul l'essence même de cette musique spatiale, de par ses protagonistes déjà, issus des deux noms précités (le bassiste Paul Pott pour le premier et le claviériste Dirk Jan Müller pour le second), mais pas seulement puisqu'il a accueilli en son sein des musiciens de Guru Guru, Can et même Nik Turner d'Hawkwind, mais aussi par sa nature de jam band, taillé de ce fait pour décoller vers les étoiles, vers des sphères célestes inaccessibles au commun des mortels. Space Invaders est d'ailleurs né sur scène, en 2010, lors du Herzburg Festival quand le guitariste Mike Häfliger, Paul Pott, Müller et Dirk Bittner (Electric Orange) s'y sont rencontrés. Depuis, c'est un groupe à géométrie variable qui improvise un album par an. Après "Invasion Of Planet Z" et "Sonic Noise Opera", c'est au tour de "Dreadnought" de nous transporter  pour un voyage dans l'immensité de l'espace. Il se veut même, dans le genre, une manière de leçon. Décollage garanti à base de guitares stratosphériques, de percussions nébuleuses et de volutes électroniques. Le tout est (forcément) instrumental (ou presque) et dépasse les 70 minutes, pour huit échappées seulement, indices qui vous donnent un premier aperçu de la chose. Bien que jaillies de plusieurs jam-sessions, ces pistes n'en souffrent aucunement car elles ne se prennent jamais les pieds dans les fils d'un maillage trop lâche. Au contraire, les quatre cosmonautes en présence ont suffisamment de métier pour ne pas sombrer dans le piège tendu par l'exercice de l'improvisation et dans lequel nombre de médiocres seraient tombés. Du coup, ces véritables happenings sonores conservent toujours une dynamique finalement très Rock, jamais ennuyeux ni comateux. De même, les Allemands prennent soin de saupoudrer leur menu pantagruélique de quelques morceaux (un peu) plus courts, rapide et percussif ('Dreadnought'), délicieusement planant ('Hexensabber', montée en puissance nimbée de nappes de Mellotron) ou bien pulsatif à l'image de 'Jolly Roder High Speed Groove' dont l'enchaînement avec le monumental 'Out In The Madness' procure des frissons. Avec ses 22 minutes et 22 secondes au compteur, ce dernier se présente d'ailleurs comme le gros morceau de ce troisième album, pavé démentiel qui bourgeonne en un geyser d'effluves spatiales que perfore une voix trafiquée. L'orgasme guette à chaque seconde, éruption hypnotique vers le septième ciel. Mais ce n'est pas là le seul morceau de bravoure de cette écoute. Citons 'The Gap You Leave Behind', amorce qui semble pourtant ne jamais vouloir réellement démarrer, 'Dungeons', plus ramassé (quoique), sorte de trip qui sent bon la fumette, 'Two Skulls', rampe de lancement noyée sous les effets psychotropiques, sans oublier 'It's Raining Bones', aux traits plus durs, presque chaotiques, jam aussi frénétique que diabolique. Bref, vous l'aurez compris, "Dreadnought" est un must-have pour tous les fans de space-rock épris de liberté. (2015)


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