L'année
2015 restera comme un grand cru en matière de krautrock et de space rock grâce
aux explorations sonores de Zone Six ("Love Monster") et surtout de
Cosmic Ground ("II"). Que Space Invaders vienne compléter ce tiercé
n'est pas très surprenant car ce groupe incarne à lui seul l'essence même de
cette musique spatiale, de par ses protagonistes déjà, issus des deux noms
précités (le bassiste Paul Pott pour le premier et le claviériste Dirk Jan
Müller pour le second), mais pas seulement puisqu'il a accueilli en son sein
des musiciens de Guru Guru, Can et même Nik Turner d'Hawkwind, mais aussi par
sa nature de jam band, taillé de ce fait pour décoller vers les étoiles, vers
des sphères célestes inaccessibles au commun des mortels. Space Invaders est
d'ailleurs né sur scène, en 2010, lors du Herzburg Festival quand le guitariste
Mike Häfliger, Paul Pott, Müller et Dirk Bittner (Electric Orange) s'y sont
rencontrés. Depuis, c'est un groupe à géométrie variable qui improvise un album
par an. Après "Invasion Of Planet Z" et "Sonic Noise
Opera", c'est au tour de "Dreadnought" de nous transporter pour un voyage dans l'immensité de l'espace.
Il se veut même, dans le genre, une manière de leçon. Décollage garanti à base
de guitares stratosphériques, de percussions nébuleuses et de volutes
électroniques. Le tout est (forcément) instrumental (ou presque) et dépasse les
70 minutes, pour huit échappées seulement, indices qui vous donnent un premier
aperçu de la chose. Bien que jaillies de plusieurs jam-sessions, ces pistes
n'en souffrent aucunement car elles ne se prennent jamais les pieds dans les
fils d'un maillage trop lâche. Au contraire, les quatre cosmonautes en présence
ont suffisamment de métier pour ne pas sombrer dans le piège tendu par
l'exercice de l'improvisation et dans lequel nombre de médiocres seraient
tombés. Du coup, ces véritables happenings sonores conservent toujours une
dynamique finalement très Rock, jamais ennuyeux ni comateux. De même, les
Allemands prennent soin de saupoudrer leur menu pantagruélique de quelques
morceaux (un peu) plus courts, rapide et percussif ('Dreadnought'),
délicieusement planant ('Hexensabber', montée en puissance nimbée de nappes de
Mellotron) ou bien pulsatif à l'image de 'Jolly Roder High Speed Groove' dont
l'enchaînement avec le monumental 'Out In The Madness' procure des frissons. Avec
ses 22 minutes et 22 secondes au compteur, ce dernier se présente d'ailleurs
comme le gros morceau de ce troisième album, pavé démentiel qui bourgeonne en
un geyser d'effluves spatiales que perfore une voix trafiquée. L'orgasme guette
à chaque seconde, éruption hypnotique vers le septième ciel. Mais ce n'est pas
là le seul morceau de bravoure de cette écoute. Citons 'The Gap You Leave
Behind', amorce qui semble pourtant ne jamais vouloir réellement démarrer,
'Dungeons', plus ramassé (quoique), sorte de trip qui sent bon la fumette, 'Two
Skulls', rampe de lancement noyée sous les effets psychotropiques, sans oublier
'It's Raining Bones', aux traits plus durs, presque chaotiques, jam aussi
frénétique que diabolique. Bref, vous l'aurez compris, "Dreadnought"
est un must-have pour tous les fans de space-rock épris de liberté. (2015)
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