Comme le laisse deviner le non de son label,
Signal Rex Records, Örök a vu la nuit au Portugal, terre crépusculaire dont la
richesse ténébreuse ne cesse de se dévoiler. D'obédience crue et malsaine le
plus souvent, les entités officiant au sein de cette chapelle impie peuvent
toutefois emprunter une voie plus sinueuse sinon atmosphérique. Tel est le cas
de ce groupe, dont les membres restent mystérieux, qui enfante, après un EP
séminal et éponyme avec Übermensch un premier méfait aussi effrayant que prometteur.
C'est une découverte parmi les plus foudroyante que le Black metal nous ait
offert depuis un bon moment. Son architecture, massive et tentaculaire,
dissonnante et saturée, laquelle se déploie par l'entremise de (très) longues
complaintes, suggère d'emblée un art vicié et noueux, dont la pénétration se
révèle abrupte tant il réclame de la patience pour venir à bout de ses
sentinelles aux dimensions monumentales, relief qui plonge ses replis tortueux
au fond d'un abîme qu'aucune lumière ne réussit jamais à atteindre. L'opus
écarte les pans de son intimité avec une (plus) courte respiration vierge de
chant, qu'égrène une guitare squelettique aux traits minimalistes. Faussement
posée, l'ambiance cache en réalité une tension qui couve sous la surface d'un
aplat de notes suintant une mélancolie absolue, tension qui explose lorsque
jaillit le titre suivant. Long de plus d'un quart d'heure, 'Will To Power'
déboule en un fracas de riffs stridents sur fond de vocalises hurlées, noyées
sous un brouillard vicié. Suivant un chemin escarpé, il alterne pauses
mortifères et déchaînement de violence, maelstrom rocailleux auquel la voix
possédée tellement lointaine confère une dimension instrumentale, secoué par
des riffs puissants dont la corrosion se conjugue à une forme de beauté
souterraine. Plus torrentiel,
'Death Of God' lui emboîte le pas, pulsation au tempo saccadé dont le caractère
volontairement répétitif lui procure des allures de transe organique.
Hurlements d'aliénés et guitare ferrugineuse fusionnent en un magma halluciné.
Puis, le menu se referme sur le titre éponyme, interminable (dans le bon sens
du terme) montée en puissance cataclysmique, élévation grésillante qui ose
franchir la barre des vingt minutes au compteur, exercice comme toujours casse-gueule qu'il est
finalement plus commun de rater que de réussir. Force est de reconnaître
pourtant que Örök se place d'emblée dans la seconde catégorie, accouchant d'une
pièce titanesque, golem démentiel qui nous entraîne aux confins de la folie et
de la mort, dans un monde plongé dans une obscurité oppressante. Après de longs
préliminaires qui semblent ne jamais vouloir s'achever, tissant à l'infini des
accords grêles, presque décharnés sur fond de murmures inquiétants, qui peu à
peu se transforment en ressac obsédant tandis, 'Übermensch' érige brutalement
un mur du son que fissurent toutefois des riffs suintant un désespoir abyssal avant de mourir sur les mêmes
notes qui l'ont entamé en un râle funèbre, point final d'un album aride,
presque austère mais grondant d'une beauté tellurique. (2016)
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