Hasard
du calendrier, ce sont deux offrandes portant la signature de Ende qui voient
aujourd'hui la nuit, The God's Rejects, tout d'abord, suivi de près par The
Rebirth Of I. Il y a pourtant peu de rapport entre celles-ci, autant dans le
fond que dans la forme d'ailleurs. L'une, la première, éditée en format en tape
par le modeste – mais précieux – Cold Dark Matter Records, se révèle être en
réalité une démo gravée où se serrent quelques vestiges du passé. L'autre,
publiée en CD par le plus renommé Obscure Abhorrence, succède à Whispers Of A
Dying Earth, deuxième opus longue durée depuis longtemps attendu. Les écouter à
la suite permet de mesurer l'évolution sinon les progrès réalisés durant ces
dernières années par cette entité que guide l'âme tourmentée de I Lucifera (Reverence),
toujours flanqué du batteur Thomas Njodr, quand bien même on retrouve toujours,
indélébile, cette froide et crépusculaire noirceur. Par rapport à sa
devancière, les différences sont notables également, moins dans les traits
affichés que dans une écriture plus aboutie, laquelle donne cette fois-ci
naissance à de très grandes compositions, de celles qui creusent de profonds
stigmates dans la mémoire au point de vous hanter longtemps après que l'écoute
se soit achevée. A ce titre, citons déjà Black Sorcery Of The Great Macabre,
pulsation que vrillent des guitares affûtées aux allures de rasoir trempé dans
la rouille. Son tempo implacable ouvre des paysages désolés et abruptes tour à
tour reptiliens ou agressifs. Une forêt de cadavres offre une autre occasion à
The Rebirth Of I d'atteindre l'orgasme mortifère lorsque le groupe se met à
serrer le frein à main à mi-parcours, tricotant alors des notes obsédantes
suspendues au-dessus d'un gouffre sans fond. Ce ne sont bien entendu pas les
seuls moments forts de cet album qui en comprend beaucoup d'autres, œuvre à la
fois tortueuse dans ses reliefs et homogène dans ses atmosphères aussi
haineuses que désespérées, balisée par de courtes émanations instrumentales aux
relents sinistres (An Ode To Bathsheba). Bien que composé d'une dizaine de
titres, l'opus doit s'appréhender comme un tout indivisible dont le ciment sont
ces ambiances froidement lugubres qui tout du long se répètent, se répandent
tel le suaire d'une liturgie obscure. L'identité du groupe se reconnaît
également à travers les textes du maître des lieux, oscillant entre l'anglais,
le français (Seul vers les ténèbres) et le norvégien (De Glemte Skogen) en une
poésie funèbre... Hostie froide et lugubre, tranchante et furieusement
belle, The Rebirth Of I affirme la
marque ténébreuse d'une entité parmi les plus passionnante de la chapelle noire
hexagonale. (2015)
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