1 juin 2023

CinéZone | Howard Hawks - La terre des pharaons (1955)




Dans les années 50, la mode hollywoodienne est au péplum, notamment pour lutter contre la télévision qui commence à concurrencer le cinéma. Tous les grands metteurs en scène (ou presque) s'y collent, de Willima Wyler (Ben Hur) à Mervyn LeRoy (Quo Vadis) en passant par Raoul Walsh (Esther et le roi). Plus étonnant, Howard Hawks se laisse lui aussi séduire par le genre. Mais sa seule tentative ne pouvait qu'aboutir sur une création extrêmement personnelle. De fait, malgré son sujet, La terre des pharaons mise moins sur le gigantisme que sur la psychologie et l'intime. L'action, le spectaculaire y s'y révèlent peu présents, contrairement à la plupart des péplums. La religion y brille également par son absence. Flanqué par plusieurs scénaristes qui se sont succéderont les uns après les autres, dont William Faulkner, Hawks privilégie avant tout le réalisme au détriment de la fantaisie. S'il prend quelques libertés avec les techniques de l'Egypte antique, il décrit néanmoins minutieusement la construction d'une pyramide, conseillé il est vrai par une poignée d'égyptologues parmi lesquels le français Jean-Philippe Lauer. Plus curieux en revanche est le casting majoritairement de souche britannique (Jack Hawkins, Joan Collins, James Robertson Justice) sans que cela apparaisse choquant à l'écran. 

Avec une grande habileté, le film interroge la question du pouvoir en imbriquant deux strates différentes. La première est celle qui pousse à l'édification d'un monument promis à l'éternité. Soucieux de reposer dans un tombeau dont les trésors seraient préservés des pillards, Keops fait construire une sépulture aux mécanismes révolutionnaires, enrôlant jusqu'à la mort tout un peuple. Plus superficielle peut-être mais passionnante, se greffe à ce premier plan une seconde intrigue, à hauteur d'hommes et de femmes celle-ci. La machination ourdie par une princesse devenue épouse du pharaon divulgue la quête de pouvoir tapie dans les couloirs des palais. Fort avec son peuple et ses ennemis, Keops apparait au contraire faible et naïf face à cette ambitieuse manipulatrice. Sa mort dans les entrailles de la pyramide peu à peu scellée par le dispositif astucieux imaginé par l'architecte et esclave Vashtar, fournit un grand moment de cinéma. Peuplé de personnages très peu positifs et teinté de cet humour gaillard typique du réalisateur, La terre des pharaons demeure un des films les plus injustement ignorés d'Howard Hawks et que l'on a donc tort de considérer comme mineur. Il reste même au contraire un des plus beaux péplums jamais réalisés. (19.02.2022) ⍖⍖⍖




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