22 juin 2020

Ygg | The Last Scald (2020)




Il existe dans le black metal un vrai déterminisme géographique, expliquant qu'en fonction du pays où il a vu le jour, un groupe sonnera d'une certaine manière, enraciné qu'il est dans un socle aussi bien culturel qu'historique dont sa musique ne pourra jamais se départir totalement. Les hordes noires ukrainiennes en constituent un bon exemple, leur sève gelée dans de vastes reliefs sinistres et enneigés ou dans la sente de forêts figées par des hivers rigoureux. Nombre d'entre elles possèdent un son très particulier, taillé dans la roche froide des Carpates reconnaissable entre mille. C'est un art noir généralement épique et crépusculaire, d'une âpreté glaciale qui se dresse comme une forteresse perdue dans le blizzard, témoin d'une histoire meurtrie. Autour de Nokturnal Mortum, c'est toute une famille de musiciens qui ne cessent de se croiser d'un projet à l'autre. Deux de ses anciens membres ont ainsi fondé Ygg en 2010. Il s'agit de Vrolok (basse et chant) et Odalv (batterie) qui a également enrôlé son frère d'armes au sein de Ulvegr (entre autres), le guitariste et chanteur Helg. Contrairement à ce dernier, auteur de cinq offrandes en une dizaine d'années, le trio s'est quant à lui montré plutôt avare de sa semence, n'accouchant que d'un seul album il y a déjà neuf ans, longue période d'abstinence que vient enfin briser The Last Scald. Si Ulvegr et Ygg nouent une évidente proximité musicale, froide et montagneuse, qu'irriguent guitare grésillante et vocalises hurlées digne d'un loup solitaire, le second puise davantage dans un humus mythologique sinon nationaliste, nourri de wotanisme et de paganisme slave. Le recours, parcimonieux, à des instruments traditionnels (shakuhachi, guimbarde) participe de cette coloration folklorique, laquelle commande une expression sombre et déchaînée.



Quatre sentinelles remplissent ce deuxième opus. Tumultueuses, elles galopent à travers des paysages aussi abrupts qu'ensanglantés. Cette démesure qui les pousse bien au-delà des dix minutes au compteur, leur ouvre de vastes territoires qu'elles drapent d'une rage furieuse couplée à une mélancolie  poignante. Claviers sinistres et lignes de guitares engourdies par un inexorable désespoir convoquent le spectre du Drudkh le plus émotionnel, celui de "Blood In Our Wells" notamment. On pense également au défunt Kladovest lors d'un Мёртвые топи, périple immense qui étire sur plus d'un quart d'heure sa trame escarpée qui a quelque chose d'un torrent chargé d'une noirceur haineuse pour déboucher sur un final d'une triste beauté. Mid-tempo envoûtant que souligne une basse tout en rondeur, Последний cкальд suinte cette même mélancolie poignante pour un résultat plus atmosphérique mais tout aussi évocateur d'un passé fait de douleur et de drames, écrit à l'encre noir du désespoir. Renouant avec la vélocité du titre inaugural, В надежде о Вечном puis Віса пробудження sculptent des paysages d'une noirceur mystique aux traits à la fois ensorcelants et sauvages, que gonfle une sève païenne. Dominant son prédécesseur de la tête et des épaules, The Last Scald est un pur joyau, taillé dans la roche de ce black metal ukrainien féroce et atmosphérique. Ygg peut s'endormir à nouveau... (30.03.2020 | La Horde Noire) ⍖⍖⍖


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