Rencontre, pour LHN, avec Borvos, l'un des deux membres composant Anges de la Mort, héritier prometteur d'une longue tradition québécoise en matière de black metal.
1) Anges de la mort est sorti de la froide terre canadienne en 2017. Est-ce votre premier projet ou aviez-vous déjà participé à d'autres groupes auparavant ?
Nous jouons ensemble avec Ishkar depuis environ dix ans, notamment dans un autre groupe plus rock/heavy metal. J’ai eu plusieurs projets de mon côté dans les quinze dernières années, dont un groupe de black en France il y a longtemps. Disons que c’est notre premier projet ensemble dans ce style.
2) Qu'est-ce qui vous a poussé à monter Anges de la mort ?
Un coup de tête un peu, une rage de jouer du black metal, ou une musique plus sale et violente que ce qu’on faisait dans les dernières années avec nos autres projets. On avait évoqué l’idée de monter quelque chose il y a quelques années, mais jamais concrétisé. Puis un soir on était dans un bar, je ne sais plus vraiment ce qui a été l’élément déclencheur, mais on s’est dit que c’était le moment. On a marché jusqu’au local et on a commencé à improviser, se défouler, presque plus pour faire du bruit dans un sens. Et quelques riffs et bonnes idées sont sorties. On a refait une pratique quelques jours plus tard, puis une autre, et de là sont apparus ces morceaux. Mais encore à ce moment, on ne pensait pas vraiment en faire un projet sérieux.
3) Vous nous offrez aujourd'hui votre première création, composée de quatre titres. Pouvez-vous évoquer la genèse de ce EP ?
C’est lors de ces quelques sessions un peu improvisées que sont nés ces riffs qui allaient donner naissance aux premières compositions. Au bout de quelques pratiques on a réalisé qu’on avait du matériel pour faire quelques morceaux, pourquoi pas faire une démo. J’en ai parlé à Vitrid de Issfenn, qui est aussi un ingénieur de son talentueux, et il a embarqué dans le projet direct. C’est un peu grâce à lui que tout ça s’est concrétisé, lorsqu’on a fixé une date pour l’enregistrement. On s’est remis à répéter pour finir de mettre en place des « vrais » morceaux. Et le résultat a dépassé nos attentes, pour s’affirmer en un premier EP et même en sortie physique, notamment grâce au soutien de Monarque et des Productions Hérétiques.
4) D'autres titres sont-ils prêts ?
Nous y travaillons présentement, nous avons récemment recommencer à pratiquer. J’ai plusieurs d’idées enregistrées en démo de mon côté, des morceaux et des textes écrits. Donc théoriquement oui, reste à leur donner vie. Et en fait nous avons aussi un autre titre enregistré, que nous n’avions finalement pas retenu pour le EP car c’est un titre en anglais. On le sortira peut-être un jour en B-side ou autre.
5) La réalisation d'un premier long est-elle votre prochaine étape ?
Il y a des bonnes chances oui. Même si à l’origine on ne pensait peut-être pas aller plus loin, j’ai quand même assez de matériel de côté pour songer à un album. Et les retours sont encourageants sur cette première cassette. Nous enregistrerons peut-être cette année.
6) Rapides et mélodiques, sinistres et accrocheurs, ces morceaux sont irrigués par d'excellentes idées. Sont-ils le fruit d'un long et dur processus d'écriture ?
Pas du tout. Comme je le mentionnais c’est un projet qui est né d’une manière très spontanée avec une grande part d’improvisation. Presque tous les riffs que tu peux entendre sur ce EP sont nés dans les trois ou quatre première répètes qu’on a fait, sur le moment (à part l’instrumental acoustique). C’est quand on a concrétisé le projet d’enregistrement qu’on a travaillé un peu pour écrire des arrangements et structurer les morceaux. Mais je pense que c’est ce qui fait le caractère des riffs principaux, leur apparition spontanée. Les paroles ont été un processus un peu plus long.
7) Dans quelles conditions les avez-vous enregistrées ?
Ça a été enregistré en live en deux jours dans notre local à Montréal. Vitrid s’est chargé des prises de son. Toute la base, c’est juste guitare et batterie qui enregistrent ensemble dans la même pièce. Puis j’ai rajouté des guitares par-dessus, et la basse. Une vielle tête Marshall JCM800 de 1982, une Gibson Flying V, une batterie, 1,2,3,4 et c’est parti. Aucun effet ou pre-amp, pas de métronome. On voulait garder ça rock’n’roll : simple, vivant et organique. Le chant a été enregistré en une journée dans le local de Issfenn, quelques mois plus tard. J’ai dû réécrire en partie les textes, faire des ajustements, et travailler sur ma voix.
8) 'Ode aux esprits vivants" est notamment un très bel instrumental qui, loin de faire du remplissage, achève l'écoute sur une note plus dramatique. Qu'en pensez-vous ?
Merci. Au départ je pensais en faire un interlude puis j’ai réalisé que c’était une bonne fermeture. C’est en fait une pièce que j’avais écrite il y a plusieurs années en France, seul une nuit dans un vieil appartement complètement vide. Un endroit de ma vie qui disparaissait. Je pense qu’elle est empreinte d’une certaine mélancolie. Je l’ai un peu retravaillée pour l’enregistrement.
9) L'ensemble exsude la mort par toutes les notes et les ambiances. Que cherchiez-vous à exprimer plus précisément ?
Une rage et une noirceur par rapport à l’homme moderne, la mort de nos âmes, et des hommes que nos ancêtres étaient. C’est cette mort-là qui pèse, la colère des anciens esprits, qui condamnent le monde d’aujourd’hui, ce qu’il est devenu, déconnecté de la Nature. Les anges de la mort sont la fatalité d’un monde voué à l’échec, de l’immondice de la race humaine d’aujourd’hui, qui est un poison pour cette Terre, et souille les rivières et forêts de nos ères. On dirait même que ce retour de flamme a commencé avec la pandémie actuelle…
10) La tape est publié par les Productions Hérétiques. J’imagine que c’est un honneur pour vous...
Effectivement. Pour être honnête j’ai toujours été un peu difficile en black Français et Métal Noir Québécois, mais Monarque a toujours été dans les quelques artistes bien au-dessus du lot pour moi. Et on ne se connaissait pas, je lui ai écrit sans aucune attente. Il a aimé les morceaux et nous a fait une offre sur son label, en jugeant purement sur la musique, non pas sur qui on était ou qui on connaissait. Ce qui malheureusement se fait rare dans l’industrie de la musique de nos jours… Donc oui c’est un honneur d’avoir eu son soutien et de pouvoir sortir cette première cassette sous la bannière des Productions Hérétiques.
11) Vos influences sont à chercher du côté de la scène scandinave des années 90. Quel regard portez-vous sur le black français ?
C’est certain que j’ai toujours eut plus d’intérêt pour la scène scandinave que pour le black français, même en ayant grandi en France. C’est difficile d’accoter des œuvres comme celles de Dissection ou Darkthrone, même dans les groupes plus underground. Mais ça reste une scène de qualité en général, assez florissante dans la dernière décennie. On ne peut pas dénier le caractère musical singulier et original de certains Peste Noire par exemple, quoi qu’on en pense. J’ai toujours apprécié les œuvres de Nocturnal Depression ou Blut Aus Nort. J’aime particulièrement cette nouvelle vague médiévale, comme par exemple les derniers Aorlhac ou Véhémence. Je pense qu’il y a une force de caractère et d’identité qui s’affirme à travers ce genre de groupes, avec le passé historique de la France et ses vestiges. Il y a une certaine authenticité et cohérence culturelle d’avoir des groupes Français qui creusent cet univers moyenâgeux historique. Au même titre que d’avoir des groupes Québécois dans l’univers froid et sombre des longs hivers blancs et les batailles de la Nouvelle-France. C’est comme un devoir de mémoire qui s’inscrit à travers des œuvres musicales, un héritage culturel dans un sens.
12) Vous formez un duo. A terme, envisagez-vous de recruter d'autres membres, pour des concerts notamment ? Anges de la mort est-il d'ailleurs destiné à la scène ?
A ce jour, pas vraiment. Encore une fois c’était un projet très spontané, juste cette première sortie relève presque d’un miracle. On va certainement se lancer dans un premier album, mais la scène ne fait pas partie de notre perspective aujourd’hui.
13) Depuis la France, la scène black québécoise parait extrêmement fertile. Mais est-ce toujours le cas ? Les oeuvres de Monarque, Forteresse, Sorcier des Glaces et de bien d'autres encore, sont ainsi toujours très attendues mais ces groupes sont déjà anciens. La relève est-elle là ?
Elle est effectivement très fertile et active. Même si comme tu dis, je ne sais pas qui pourra égaler par exemple le dernier Forteresse qui est monumental, ou Ad Nauseum de Monarque, ou même les plus anciens albums qui ont forgé la pierre. Il y du potentiel pour la relève, des groupes comme Cantique Lépreux ou Délétère, ou des plus récents comme Ifernach ou Trépas. Donc oui le terrain est assez fertile pour y voir émerger ceux qui pourraient porter le flambeau. Et la scène black metal en général est très forte, je pense qu’il y a un public dédié et passionné prêt à porter cette scène. Quand tu regardes juste le succès d’un festival comme la Messe des Morts, ça prouve la force de la scène ici, plus que dans d’autres grandes villes d’Amérique du Nord.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire