12 mars 2019

KröniK | Shining - Animal (2018)


Alors qu'il ne pouvait être confondu avec son homologue suédois au registre suicidaire, les grincheux argueront que Shining pourra au contraire désormais se confondre avec un groupe de pop rock voire, pourquoi pas, avec son compatriote Audrey Horne. Car estimant, peut-être à juste titre, avoir fait le tour du sujet, les Norvégiens ont décidé de tourner le dos au blackjazz, genre façonné par une poignée d'albums fortement remarqués ("Blackjazz" bien sûr mais aussi "One One One" et surtout le dernier d'entre eux "International Blackjazz Society") dont ils étaient les dépositaires. Faisant, apparemment, table rase du passé, la bande à Jørgen Munkeby aurait cependant pu continuer sur une voie certes différente quoique toute aussi expérimentale.

Or la défloration de "Animal", qui scelle donc cette mutation, est un choc. Il l'est même tellement qu'on pourra croire s'être trompé de disque. Mais, après vérification, il s'agit bien du nouveau Shining qui se dévide dans nos oreilles. A l'écoute de ce metal étonnamment simple dont les touches synthétiques lui confère un cachet années 80 ('Take Me'), l'impression que les Norvégiens ont été enlevés et remplacés par une équipe de bellâtres ne peut que s'insinuer dans l'esprit. Pourtant, outre le fait qu'un changement de style, aussi brutal soit-il, n'induit pas nécessairement un ratage, le groupe est-il pour autant aussi méconnaissable que cela ? Celui-ci a-t-il vraiment vendu son âme au diable ? Certes, les mélodies semblent faciles, taillées pour les ondes, sautillant à l'intérieur de titres à priori calibrés qui ne franchissent pas la barre des quatre minutes (ou si peu). Chœurs fédérateurs ('End') ou discret chant féminin (celui de Linnea Dale sur 'Hole In the Sky') poussent cet opus sur un terrain musical plus accessible dont on ne pensait pas que ses auteurs l'arpenteraient avec une telle aisance. C'est ainsi avec une classe effrontée qui s'additionne avec leur fougue coutumière que les Scandinaves relèvent le défi, accouchant d'un rock furieusement accrocheur, presque festif ('Smash It Up'). En apparence du moins, car sans se départir d'un fuselage lourd qui ne saurait passer pour de la pop ('Fight Song''), sans davantage renoncer non plus à ces guitares hargneuses et des vocalises hurlées ('Everything Dies'),  le groupe pare ses compositions d'une mélancolie ('When The Lights Go Out') quand elle ne se transforme pas en pur désespoir ('My Church'). Il en résulte une création bien plus complexe qu'il n'y paraît, richesse qui ne surprendra pas les habitués du laboratoire norvégien. Avec l'intelligence et cette soif de liberté qui le caractérisent, Shining a su couler sa personnalité dans un moule faussement policé qu'il transcende totalement. Dans l'intimité de chaque chanson sont nichés des trésors d'écriture et d'arrangements qui élèvent ce menu bien au-dessus de la mêlée. Loin d'être une trahison, "Animal" porte l'incontestable signature de ses géniteurs qui, contre toute attente, n'ont pas choisi la facilité en s'aventurant sur une terre plus rock qu'ils labourent en réalité avec cette force aussi sombre que mordante qui est la leur. De fait, tel un Janus musical, cet opus affiche deux visages, différents et complémentaires. Le premier est celui d'un rock direct et énergisant, derrière lequel se cache un second, riche d'une multitude de nuances, plombé et plus expérimental qu'il ne semble l'être. En cela, Shining reste plus que jamais lui-même... (06/10/2018) ⍖⍖⍖


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