Il
ne faut jamais juger un album sur la foi d'un visuel à priori peu engageant car
grand est alors le risque de passer à côté de quelque chose de grand. Tel est
ainsi le cas ces Stigmates d'Hécate dont l'écrin visuel ne doit absolument pas
vous faire fuir. Ceux qui se souviennent, entre autres, de Maître des
cérémonies cérébrales, offrande gravée il y a douze ans déjà, et auxquels cette
modeste chronique s'adresse en premier lieu, savent de toute façon qu'Aryos,
son géniteur, n'est pas tout à fait une entité comme les autres, laquelle
mérite en cela qu'on s'arrête, plus que le temps d'une écoute distraite, dans
sa caverneuse intimité. Car l'art noir que sculptent les Français à la lueur
d'un pale éclairage ne s'offre pas dès la première caresse, ce qui explique
peut-être pourquoi on lui prête cette maladroite étiquette d'avant-garde black
metal, qui a au moins le mérite de souligner l'originalité sinon la singularité
d'une musique qui grouille de kystes étranges. De patients préliminaires se
révèlent nécessaires pour en goûter, en savourer le fruit, niché au plus
profond d'une antre ténébreuse, suintant une trouble moiteur. Les stigmates
d'Hécate écarte les cuisses, nimbées de curieuses effluves électroniques puis
Arede Quariani Eccliasiamo sort brusquement les griffes, ouvrant alors les
vannes d'une engeance noire (faussement) classique. Les changements de
positions, des guitares vicieuses et les parcimonieuses mélopées d'une
prêtresse au charme qu'on devine vénéneux, entraînent ensuite cette ouverture
de Charybde en Scylla dans des contrées obscures. Riches de leurs nuances, les
six chapitres qui suivent, baignent tous dans des relents d'interdit, ils
exsudent une licence aussi tranchante qu'envoûtante. Une sensualité malsaine
ourle des structures alambiquées, créant une oeuvre ambivalente, atmosphérique
et évolutive tout ensemble. Labyrinthique, ce menu louvoie à travers un décor
dépravé, que bordent des portes derrière lesquelles se cachent d'inavouées
promesses. Silicate Aluminium Beryllium Chrome et ses courbes tordues, Ra-Hoor
- Khuit (Litanie), saillie véloce emportée par un torrent menstruel, ou
Chthonienne Totem, que cisaillent des riffs sournois aux allures de scalpel
rouillé labourant dans la chair des stigmates, dressent un tableau versatile
qu'achève en (sombre) beauté Les six profanes, apogée en forme d'orgasme
lugubre teinté d'une electro mortuaire. Gemme d'une noire sensualité , écrin
d'un black perverti, Les stigmates d'Hécate fait partie de ces oeuvres qui se
dévoilent par petites touches, avec au bout, comme récompense, l'extase divine.
Il est aussi de ces albums dont la confidentialité n'a d'égale que la réussite. 3.5/5 (2016)
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