En quelques mots : Quatorzième
réalisation de Clint Eastwood, Chasseur
blanc, cœur noir est un projet qui de prime abord peut surprendre de sa
part. Le sujet, l’époque à laquelle se déroule l’histoire (au début des années
50) et le tournage en Afrique (au Zimbabwe plus précisément) apparaissent en
effet très éloignés de son univers. Avant
d’être un film, Chasseur blanc, cœur noir
est un livre à clés du scénariste Peter Viertel qui raconte le tournage d’African Queen de John Huston. Le roman (car il s’agit bien d’un roman)
devient très vite un best seller. Mais Viertel doit attendre plus de trente ans
pour qu’il soit adapté au cinéma et ce, malgré de nombreuses tentatives de la
part de James Bridges et Burt Kennedy. En fait, le film semble être davantage
une transposition de Moby Dick (un
autre film de Huston d’ailleurs) que le récit du tournage d’African Queen, qui ne débute ironiquement qu’à la fin. Il s’agit surtout du
portrait d’un homme au caractère ambigu, dévoré par une obsession, celle
d’abattre un éléphant (obsession véridique selon John Guillermin, assistant de
John Huston sur le plateau). C’est cet aspect du sujet qui visiblement a
intéressé Eastwood. Il aime les héros mus par un comportement obsessionnel,
comme le prouvent Josey Wales Hors-la-loi
et sa soif de vengeance, Honkytonk Man
et son chanteur tuberculeux voulant à tout prix se rendre à Nashville pour son
audition ou bien plus récemment, Million
Dollar Baby et sa jeune boxeuse rêvant de devenir championne du monde. L’acteur
campe avec talent (il s’agit peut-être d’une de ses meilleures performances) ce
personnage grandiose, appelé John Wilson, un homme macho, égoïste, obsédé par
une idée fixe qui confine à la folie mais pourtant sympathique, notamment par sa haine
des racistes. On pense bien sûr beaucoup à John Huston et mais aussi à Ernest
Hemingway, à cette race d’hommes d’un autre temps aujourd’hui éteinte. Clint
livre une imitation convaincante de Huston même si Wilson se révèle davantage
antipathique. A la fin, il n’abat pas l’éléphant, mais par sa faute, son guide
meurt tué par l’animal, ce qui n’a pas eu lieu dans la réalité. Lorsque enfin
débute le tournage, c’est un homme brisé, effondré sur sa chaise qui murmure le
mot « action ». Jouer
un tel rôle est téméraire de la part de l’acteur qui n’avait jusqu’à présent
jamais aborder un tel personnage, qui possède cependant l’ambiguïté qu’il
affectionne. Chez Eastwood, les héros se positionnent toujours entre l’ombre et
la lumière. De plus, on reconnaît parfois Clint à travers Wilson. Tous les deux
ont une vision du cinéma similaire : recherche de la simplicité et de la
qualité au détriment de ce qui plaît au box-office. Chasseur blanc, cœur noir nourrit donc également une réflexion
passionnante sur la création cinématographique. Ce qu’il rapporte sur la
préparation d’African Queen notamment est tout à fait vrai. Le
film est empreint d’une certaine nostalgie, celle du Hollywood de la grande
époque (que Clint a bien connu durant sa jeunesse) et de ces films tournés en
Afrique comme Les mines du roi Salomon
par exemple. Mais cette nostalgie n’a apparemment pas suffit à en faire un
succès, bien au contraire. Projeté au festival de Cannes, il ne remporte aucun
prix, contrairement à Bird (1988) et a
finalement été un échec, l’un des plus gros de toute la carrière de Clint
Eastwood. Pourtant, sans être son œuvre la plus aboutie, Chasseur blanc, cœur noir demeure intéressant et offre au comédien
la possibilité de sortir de son registre habituel.
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